Ma mère, portrait d’une sorcière

En commençant la lecture de « Sorcières », de Mona Chollet, j’ai eu un déclic pour écrire ce texte auquel je réfléchissais depuis un moment. Je l’ai écrit d’une traite, puis je l’ai beaucoup relu, seule et avec Hélène, avant de vous le livrer. Il ne parle pas de voyages, il parle de ma mère.

L’histoire de ma mère mériterait un roman. Comme je suis paresseuse, j’en ai fait un article de blog. Ça se passe dans le milieu de l’art des années 1990-2000 et ça parle de passion, mais aussi de sexisme, de harcèlement et de santé mentale. Je précise à destination des personnes sensibles que j’y évoque aussi le suicide de ma mère.

Il n’était pas dans mon intention de faire un texte trop dur, mais j’ai conscience qu’il est très dense. En réalité, j’ai fait de mon mieux pour raconter sobrement des faits plus grands que moi.

Enfin, j’ai illustré ce texte avec des œuvres d’art que j’ai découvertes grâce à ou avec ma mère. Je partage ainsi avec vous un peu de ce musée imaginaire familial – une source à laquelle je puise, aujourd’hui encore, une grande consolation.

Bonne lecture.

L’histoire commence au début des années 1990. Ma mère, une trentaine d’années, a repris des études d’histoire de l’art après avoir travaillé quelques années à la télévision. Elle fait l’Ecole du Louvre, passe une maitrise à la Sorbonne et cherche du travail dans les musées. En 1991, elle se retrouve en stage au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris, qui est alors dirigé par une femme charismatique, brillante, et dont les pratiques managériales seraient certainement qualifiées aujourd’hui de harcèlement. (Je ne cite aucun nom dans ce texte, ne voulant pas personnaliser des événements qui ont, pour moi, une nature vraiment structurelle). Ma mère apprend le métier, absorbe tout. D’autant plus qu’elle se retrouve veuve la même année. La mort de mon père a un effet amplificateur : il faut remplir le vide, et ce sera l’art qui le remplira.

La rétrospective sur Alberto Giacometti organisée en 1991-1992 au MAMVP est la première exposition à laquelle ma mère participe. Les grandes silhouettes austères accompagnent cette période de transition. Une vie commence sans mon père, et avec beaucoup de musées.

La semaine, ma mère ne compte pas ses heures et le week-end, elle écrit des articles pour arrondir les fins de mois. De stagiaire, elle devient contractuelle. De mes dix ou douze ans, je garde l’impression générale que tout le monde serre les dents. Je comprends que ma mère souffre, à la fois au travail et à la maison, mais il est difficile de faire la part des choses entre les deux sphères.

D’autant plus qu’il y aussi des moments de magie : nous devenons familiers des musées, des artistes, des œuvres. Nous fréquentons « La Fée électricité » de Raoul Dufy, « La Danse » de Matisse et les grands formats de Sonia Delaunay. Ma mère nous emmène partout, mon frère et moi. Les vernissages et les voyages éloignent la tristesse, colorent cette période de deuil. Ma mère ne s’arrête jamais, elle a toujours une passion en cours qui occupe toute notre vie. Au moins, on ne s’ennuie pas.  

« La Fée électricité » a été peinte en 1937 par Raoul Dufy pour une commande de la Compagnie parisienne de distribution d’électricité. Au total, 600 m² de couleurs vives que mon frère et moi passions toujours admirer quand notre mère nous emmenait avec elle au MAMVP.
J’adorais – et j’adore encore – les grands formats de Sonia Delaunay, une pionnière de l’abstraction. Je les trouve joyeux, pleins de vie. Sonia Delaunay a créé dans de nombreux domaines, notamment le textile.

Après quelques années, toujours contractuelle, ma mère passe au Petit Palais. Les choses s’apaisent un peu. La passion pour l’art est toujours aussi intense, mais ma mère va mieux et ce nouvel environnement de travail semble moins toxique. Ma mère profite des possibilités qui s’offrent à elle d’accompagner des œuvres aux quatre coins du monde. Toujours à fond, lorsqu’elle revient d’un convoiement à Kyoto, elle porte non-stop le yukata qu’elle a volé à l’hôtel et boit l’eau de cuisson du riz en disant que tous les Japonais le font. (On ne s’ennuie toujours pas). Une autre fois, elle tombe amoureuse d’un écrivain égyptien qui lui fait visiter Le Caire, quelques coups de fil secrets-pas-si-secrets s’ensuivront avant que la passion ne retombe. (Sachez que je romance ces anecdotes le moins possible).

Elle a de l’ambition et de l’audace et elle commence à le montrer. Commissaire d’une exposition sur le sculpteur Paul Landowski, elle se dit qu’elle aimerait travailler avec le metteur en scène et scénographe Bob Wilson. C’est une lubie purement personnelle, car Bob Wilson travaille plus pour le théâtre, la danse ou l’opéra que pour les musées. Mais elle admire son travail, alors elle l’appelle, comme ça, dans un anglais très approximatif. Et Bob Wilson dit oui.   

Cet été-là, ma mère part au Watermill Center, le centre de création où Bob Wilson élabore chaque été ses projets pour l’année à venir. C’est un lieu qui rassemble à Long Island, près de New York, des danseurs, des chorégraphes, des chanteurs ou des plasticiens venus du monde entier. De quoi impressionner ma mère ? Pas vraiment. Maître Wilson est une diva, sans surprise, et il aime se faire désirer. Au bout de plusieurs jours, le projet Landowski n’avance pas et cela agace ma mère. Puisque c’est comme ça, elle part pour la journée à la plage. A son retour, le maître est furieux qu’elle ait osé quitter le temple. Mais il s’assoit à la table de travail et le projet avance. A diva, diva et demie.

Paul Landowski est connu pour certaines œuvres très monumentales, comme le Christ du Corcovado à Rio de Janeiro. Mais je préfère cette « Chute d’Icare », qui a rejoint les collections du Petit Palais après l’exposition dont ma mère était commissaire.

L’exposition, qui ouvre en décembre 1999, marche bien. Surtout, elle est très belle. Ma mère est épanouie, elle peut être fière de ce qu’elle a accompli. Cette expérience lui donne des ailes. Elle décide alors de prendre un congé de formation d’un an pour faire une thèse (qu’elle ne finira pas) sur le catalogue raisonné de l’œuvre dessinée de Paul Landowski. Pourtant, elle ne se destine pas à la recherche, pas plus qu’à l’enseignement. Elle a besoin de temps pour elle, pour souffler, pour réfléchir à ses aspirations. La logique voudrait qu’elle passe un concours de fonctionnaire, mais elle ne le fait pas. Elle préfère postuler directement à des offres qui l’intéressent. Des limites à son ambition ? Toujours pas. Elle se voit bien en directrice, ce qui est logique vu qu’elle entretient des rapports conflictuels systématiques avec ses supérieurs hiérarchiques. 

A l’issue de cette année off, elle décroche en 2001 un poste de directrice dans un petit centre d’art dans le sud de la France. C’est une belle consécration, mais c’est aussi le début des ennuis. Elle quitte Paris, prend un appartement seule sur la Côte d’Azur et se lance à corps perdu dans ce nouveau job. Elle étincelle, dans tous les sens du terme. Elle attire la lumière avec des projets ambitieux, elle se tisse un nouveau réseau. Mais les frictions sont nombreuses.

Avec son équipe tout d’abord. La dame est clivante, elle a ses fans assidus, mais aussi ses détracteurs acharnés. Au téléphone, elle me dit : « Je ne comprends pas, ils partent du travail dès qu’ils ont fait leurs heures. » Je réponds intérieurement : « Oui maman, ils ont autre chose que le boulot dans leur vie ». Je n’y étais pas, mais je devine facilement qu’elle a calqué son comportement de directrice sur ce qu’elle avait connu auparavant. Je n’aurais pas vraiment aimé travailler sous ses ordres, pour plein de raisons. Cela étant, je suis certaine aussi qu’elle n’a jamais eu l’intention de nuire à autrui.  

Dans ce type de structure, le poste de directeur est généralement subordonné à un conseil d’administration regroupant par exemple des mécènes, des élus locaux, des notables du coin, etc. Au début, l’équipe qui avait nommé ma mère était ravie de voir que leur centre d’art attirait plus d’attention. Puis cela a changé, dans des proportions qui ont eu des conséquences dramatiques. La souffrance est revenue, une souffrance immense que ma mère a affrontée seule. Elle avait toujours eu une tendance à la distraction, mais son regard devenait de plus en plus lointain. Quand je regarde les photos de cette période, je vois qu’elle souriait rarement. Ce qu’elle endurait au quotidien, elle a fini par le consigner soigneusement. A l’époque, on commençait juste à parler de harcèlement moral dans les médias. Ma mère a accumulé les preuves et contacté un avocat.

Ma mère aimait beaucoup le land art et notamment l’artiste anglais Richard Long. Aujourd’hui encore, c’est un de mes courants préférés du 20ème siècle. Je rêve de voir les œuvres de Robert Smithson ou Nancy Holt dans l’Ouest américain.

Cette histoire ne pouvait pas bien finir. En mai 2005, ma mère a fait une tentative de suicide, suite à laquelle elle est restée une semaine dans le coma. Nous étions tous sous le choc. C’était très spectaculaire et mis en scène : elle avait choisi de le faire le jour du vernissage d’une de ses expositions. Clairement, elle ne voulait pas que son geste passe inaperçu.

Après cela, elle s’est arrêtée pendant quelques semaines. Il était évident qu’elle ne reprendrait pas son poste, mais il fallait qu’elle en trouve un nouveau. L’ambition et la passion étaient encore là malgré la souffrance et la fatigue. Elle voulait continuer cette carrière et laisser cette expérience derrière elle. Pour se reconstruire, elle avait toutefois besoin d’être entendue et d’obtenir justice. Tout en passant des entretiens pour de nouveaux postes, elle peaufinait donc son dossier pour harcèlement moral envers son ancien employeur.

Les deux processus avancent en parallèle. Elle est pressentie pour prendre la direction du FRAC Nord-Pas-de-Calais. Lorsqu’elle se retrouve sur la shortlist, elle est convoquée à Paris pour un dernier entretien. Le poste est pour elle, à une condition. Il faut qu’elle ne porte pas plainte contre son ancien employeur.

Que peut-elle faire ? Quels moyens a-t-elle de refuser ?  

Aurélie Nemours est l’une de nos grandes peintres abstraites du 20ème siècle. Ma mère admirait énormément son travail. Elles se connaissaient et projetaient de faire ensemble un livre d’entretiens, qui n’a malheureusement jamais vu le jour.

Quand nous avons vidé l’appartement de ma mère à Lille après son suicide en janvier 2006, nous avons trouvé les dossiers de sa plainte pour harcèlement. Il y avait deux cartons super lourds que j’ai gardés chez moi plusieurs années, sans les ouvrir. Je ressentais envers eux une ambiguïté constante : ce n’est pas mon histoire (mais si un peu quand même). A la faveur d’une énième séance de tri visant à faire de la place dans mon petit appartement de banlieue parisienne, j’ai fini par les mettre à la poubelle. Je n’en pouvais plus d’avoir ça chez moi, je voulais avancer.

Comme directrice du FRAC Nord-Pas-de-Calais, poste qu’elle a occupé pendant quelques mois à peine, ma mère a eu le temps de mener deux projets d’exposition et de marquer les esprits, si l’on en croit les gentils messages que son équipe nous a adressés à l’époque. Elle n’avait que 50 ans, et elle avait encore tellement de choses à donner. Sa mort nous a laissés avec un grand vide, un immense sentiment de gâchis.

L’une des dernières expositions à laquelle ma mère a participé s’appelait « Avant-gardes polonaises », au Musée Matisse du Cateau-Cambrésis. L’un des artistes présentés était Roman Opalka, qui a fait une œuvre radicale et obsessionnelle sur le passage du temps.

Lors de l’enterrement de ma mère, un ami qui était aussi un de ses médecins est venu me voir et m’a dit : « Tu sais, ta mère avait une maladie, elle était maniaco-dépressive. » A l’époque, je me suis dit : « Ça me fait une belle jambe. » Je sais que son intention était gentille. Il savait sûrement que lorsqu’une personne se suicide, l’entourage ressent une énorme culpabilité.

Je suis certaine aussi que d’autres gens se sont dit que, de toute façon, ma mère avait des problèmes psychologiques et qu’elle était instable. On entend toujours ce genre de propos quand une personne se suicide ou tente de se suicider et qu’il y a un lien avec sa situation professionnelle. Ceux qui pourraient avoir une once de responsabilité cherchent à se dédouaner en mettant en cause l’état psychologique de la personne. La ruse de bas étage.

Aujourd’hui, quinze ans après sa mort, je n’ai pas de difficulté à dire que ma mère était bipolaire – ou maniaco-dépressive, comme on disait à l’époque. Il y a un problème de santé mentale dans ma famille, j’ai une tante qui est soignée depuis 40 ans pour schizophrénie et ma grand-mère était probablement dépressive. En fait, je n’ai jamais attaché beaucoup d’importance à ces diagnostics. Ma mère était une femme hors-norme, peu importe le nom que l’on donne à cela, sibylle, sainte ou sorcière.

Elle s’est heurtée à des plafonds de verre qu’elle ne voyait pas. Elle a subi de plein fouet le sexisme et la misogynie de la part d’hommes (et de femmes) qui ne voulaient pas qu’elle soit là où elle était. Ce qui me révolte aujourd’hui, le point où ma colère est toujours intacte, est celui-ci : pourquoi est-ce que ma mère, avec son talent, son charisme, sa vulnérabilité, son ambition, son intelligence et sa bipolarité, n’a-t-elle pas pu trouver sa place dans notre société ?

C’est avec ma mère que j’ai découvert l’œuvre de Nan Goldin. Je me souviens particulièrement de son installation « Sœurs, Saintes et Sibylles » à la chapelle de la Pitié-Salpêtrière en 2004. Goldin y évoque notamment sa sœur Barbara, qui s’est suicidée à 18 ans.

Je ne regrette pas d’avoir jeté son dossier de plainte pour harcèlement parce qu’il ne me revient pas de faire justice en son nom. Par contre, je crois qu’il est important que je témoigne de ce qu’elle a vécu. Cette histoire n’est pas juste l’histoire de ma mère. Cette histoire n’est pas privée. Elle s’inscrit dans une longue histoire de haine et de persécution des femmes, et en particulier des femmes hors norme.

Pourquoi est-ce que je vous raconte cela aujourd’hui ? D’abord, parce que cela me fait du bien. Ce qu’a vécu ma mère, et ce que nous avons vécu à travers elle, je n’en parle pas beaucoup parce que ce sont des sujets lourds. Je n’ai pas vraiment de tabou sur son suicide ou sa santé mentale, mais je sais que les gens sont mal à l’aise avec ces sujets et qu’ils ne savent pas comment réagir. Je le comprends.

Depuis 15 ans, les choses ont tout de même (un peu) évolué. On parle davantage de harcèlement, de sexisme ou de santé mentale. #MeToo a initié un mouvement contre les violences sexuelles et, plus largement, contre toutes les formes de violences patriarcales. On dit que la parole des victimes se libère, mais je trouve que cette prise de parole reste très compliquée (si j’en juge, par exemple, par les nœuds au cerveau que je me suis fait pour savoir si j’allais publier ou non ce texte). Je crois que nous n’en sommes qu’au début de cette libération.

En outre, notre capacité d’écoute collective a changé. Même s’il est parfois difficile d’entendre les récits des victimes ou des témoins, nous savons que cette écoute est indispensable. Ma mère a trouvé très peu de soutien à l’époque. J’espère qu’elle aurait été plus entendue aujourd’hui.

Les choses évoluent, oui, mais pas assez, et le milieu de la culture est loin d’avoir parcouru le chemin sur ces questions. C’est une autre raison qui me pousse à écrire aujourd’hui. L’expérience de ma mère nous a bien dissuadés, mon frère et moi, de nous lancer dans cette voie. Toutefois, quand j’entends parler mes ami.e.s qui travaillent dans la culture, je ne peux pas m’empêcher de penser : « Ce n’est pas possible que les choses aient aussi peu changé. »

Harcèlement, abus de pouvoir, misogynie, chantage, discrimination… Les pratiques de maltraitance au travail sont encore fortement ancrées et largement répandues. La précarité des un.e.s renforce le sentiment d’impunité des autres. Une victime ou un témoin qui attend le renouvellement de son contrat ne prendra pas de risque pour son avenir, et c’est compréhensible. De telles pratiques sont souvent intériorisées, minorisées ou banalisées. Comme s’il n’y avait pas d’alternative. Comme si le prix à payer pour travailler dans un bel endroit ou avec de beaux objets était de subir tout cela. Pourtant, ça ne devrait pas être une fatalité.

Il en faut plus qu’un témoignage sur un petit blog pour ébranler un édifice aussi solidement construit, je le sais bien. Mais si chacune de nous souffle un petit peu, l’édifice finira par trembler et, éventuellement, par tomber. J’ai maintenant 40 ans et je commence à m’impatienter. J’espère donc que ce murmure s’ajoutera à tous les murmures qui s’accumulent et s’accélèrent ces derniers temps – et que les sibylles, les saintes et les sorcières danseront bientôt sur les ruines du temple.   


27 réflexions sur “Ma mère, portrait d’une sorcière

  1. J’ai commencé ton article en me disant ignorer tout du fonctionnement de ce milieu. J’ai terminé en me rappelant une collègue indirecte d’un centre d’art qui m’avait demandé mon témoignage dans une procédure contre son responsable.
    J’ai souvent tellement de mal à comprendre notre société.
    Merci de ton partage, de ce Murmure qui ne peut qu’ amplifier les voix féminines.

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    1. Merci Tiphanya, je crois malheureusement que ces pratiques sont répandues dans beaucoup d’autres milieux de toute façon. Il y a tellement de biais de domination divers et variés dans notre société, c’est très dur de s’en extraire en fait.

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      1. C’est tellement vrai. Même si j’ai majorité travaillé dans des secteurs dit « féminins », lors d’une première réunion à un post lié à la communication, je ne connaissais personne, j’avais 25 ans (environ) et je représentais mon service. On m’a pris par défaut pour une stagiaire d’un autre service (l’occasion d’entendre de nombreux propos pas ultra sympa sur moi et mon service). Difficile d’avoir un quelconque respect quand tout le monde a décidé de ne pas t’écouter…

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  2. Je ne peux parler que de la bipolarité, qui n’est pas mieux prise en charge maintenant. Mon frère était bipolaire aussi et s’est suicidé il y a presque 2 ans maintenant. Cette maladie est tellement difficile à gérer pour tous.
    😘😘

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  3. J’ai lu plusieurs fois, il faut dire que cet article est si bien écrit… ce sont certainement les murmures qui font avancer les choses comme les ruisseaux qui font les grandes rivières.
    Je ne connais heureusement pas ce problème de harcelement et de pression au travail, mais je connais la bipolarité puisque on a décelé cette maladie chez ma fille il y a bientôt deux ans. Elle vit toujours sur la corde raide, et moi aussi par conséquent.
    Bises

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    1. Merci beaucoup Sophie pour ces gentils mots et pour ton retour. J’espère que ta fille a un entourage bienveillant, mais j’imagine qu’en tant que maman tu dois t’inquiéter beaucoup pour elle. Grosses bises

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  4. Je suis désolée de lire ça. En effet le milieu de l’art n’a que très peu changé. J’espère qu’à force de parler, de ne plus endurer en silence, ça finira par bouger. Mais c’est si long…
    Merci d’avoir partagé ça avec nous, c’est difficile de parler des choses intimes mais je suis sure que ça aide les autres à en faire autant.
    Ta maman avait l’air d’être quelqu’un de fabuleux 😘

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    1. Merci Madeleine ❤ Oui, ma mère était quelqu’un qui laissait rarement les gens indifférents ! Je suis contente de partager son histoire, même si c’est une histoire triste, mais ce serait encore plus triste de ne pas en parler.

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  5. A te lire, je me dis que tu devrais aller plus loin que cet article. Peut-être n’est-ce-pas envisageable pour toi mais je te livre mon ressenti sincère.
    Je travaille en ce moment sur le deuil de ma mère par l’écriture d’un livre et je m’interroge beaucoup sur l’absence, la transmission, la transgénérationnalité et ton article fait écho à toutes ces lectures, au livre de Delphine de Vigan (rien ne s’oppose à la nuit) et bien d’autres encore.
    Et au-delà de cette question du deuil, du manque et de la maladie, il y a celle de la place de la femme dans l’art et de tous ces sujets que tu évoques. Tu as en toi la possibilité de faire avancer les choses, de poser une pierre à l’édifice de la parole libérée, d’accompagner par ton témoignage, ton récit d’autres femmes encore réduites dans ce milieu, encore contrainte par leur genre.
    Tu as, quoi qu’il arrive, tout mon soutien.

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    1. Merci Olivia pour ces mots et ces encouragements. Je ne me vois pas consacrer deux ou trois ans de ma vie à écrire sur cette histoire, j’ai besoin d’avancer, d’explorer des domaines qui me sont propres. Par contre, les réactions que je reçois suite à ce texte montrent que ces sujets rencontrent un vrai écho. Je me verrais plus poursuivre cette démarche de manière collective et/ou artistique, mais je ne sais pas encore vraiment comment. Je te souhaite aussi bon courage dans ta démarche. Ça fait toujours du bien de poser les choses par écrit. Je t’embrasse

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  6. Ça me rend tellement triste de voir à quel point les femmes qui ont de l’ambition font souvent l’objet d’une résistance difficile à supporter. Est-ce le milieu de l’art ? Je n’en suis pas si sûre. Dans tous les milieux finalement, c’est la même histoire, la même rengaine. Ma mère m’a longtemps évoqué le harcèlement de son ancienne cheffe, pourtant elle n’était que secrétaire à la mairie, un emploi où la pression n’était franchement pas nécessaire.

    On se détruit, on se met une pression dingue, on recréé des schémas invivables que nous ont fait vivre les autres, on est enfermés dans nos cercles vicieux. Puis, on étouffe, on s’étouffe. Je suis vraiment désolée pour ce que ta mère a vécu et pour ce que tu as vécu aussi par effet de miroir. Je n’ose même pas imaginer ta souffrance, perdre ton père, puis ta mère, cette femme absolument géniale avec laquelle on ne s’ennuie pas. Tu étais si jeune encore ! Il a dû en falloir du courage pour écrire ce texte. Bravo !

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    1. Merci Mila ❤ Tu as raison, ces mécanismes existent dans tous les domaines, j’ai juste raconté celui que je connais le mieux. En lisant les réactions des unes et des autres, il est clair que ce que je décris fait écho à d’autres récits, d’autres expériences. Comment faire pour concilier ses ambitions et se préserver en même temps ? Et bien je cherche encore !

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  7. Puisse ce texte te libérer un peu. A te voir si joyeuse, si enthousiaste qui soupçonnerait cette souffrance en sourdine
    qui mériterait sûrement bien d’autres écrits qui ont chaque fois l’avantage d’ouvrir la voie, de libérer d’autres personnes de leur non dits.

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    1. Merci Anne-Marie. La joie et la peine ne sont pas incompatibles, et j’ai aussi appris très tôt à profiter de chaque instant. Paradoxalement, ma mère avait aussi un grand appétit de la vie, qu’elle nous a transmis. Ce texte me libère, oui, et je suis très touchée des retours que je reçois.

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  8. Merci pour ce témoignage (et cette belle plume comme d’habitude). Oui et re-oui, tu as bien fait de le publier, ce témoignage est précieux, de plus tu ne cites aucun nom, donc pas de souci. Les personnes dites « instables » sont difficiles à vivre d’autant plus quand on est enfant ou ado. C’est complexe, et on ne comprend pas toujours pas ce qui se passe dans leur tête. Bien que j’ai peut-être une tendance à être très sensible à certaines choses, j’ai aussi un côté pragmatique et logique. Je ne sais pas ce que c’est d’avoir des tendances suicidaires, car pour moi si quelque chose ne va pas du tout, je stoppe là car cela ne vaudra jamais la peine d’y perdre la vie, on a droit qu’à un seul tour. Bref, je ne pourrais jamais comprendre, plutôt, je le comprends, mais sans l’expérimentation, la compréhension n’est pas totale. C’est chimique, c’est dans le cerveau et on aura beau avoir toute la bonne volonté du monde, il sera très difficile de s’y opposer. Et la société est une belle *bip* (mets le mot que tu veux), on ne peut pas penser et faire des choses sans qu’il y ait quelqu’un qui donne son avis, qui parait innocent pour cette personne, mais qui en fait est lourd de sens. Le formatage est la pire des choses, il faut être dans le moule pour la société. Je me bats souvent contre ça, et c’est comme les maladies mentales, oui elles existent et les personnes qui en souffrent doivent être soignées et/ou suivies et écoutées mais leurs situations est amplifiée à cause de la société. Elles sont stigmatisées, comme d’autres classes de la population d’ailleurs, alors qu’elles ont besoin de tout sauf cela. La place des personnes avec maladies mentales est très compliquées dans la société et de plus, comme il y a plusieurs degrés, elles ne sont pas toujours détectées comme telles. Soit on a une étiquette mais on peut être entendu et aidé par un spécialiste, soit on ne l’a pas mais on passe pour très étrange. Parfois, ce qui me sidère c’est que même des spécialistes qui aident des gens, les aident juste à rentrer dans le moule … On marche sur la tête. Pour moi, du moment que la personne n’est pas dangereuse pour elle ou les autres, et qu’elle n’a pas l’air malheureuse, qu’on lui fiche la paix, si elle a envie d’être habillée en cosplay tout l’année ou bien encore de faire la poule sur un quai de métro, y’a pas de problème, chacun est libre, et c’est bien qu’on ne se ressemble pas tous ! Bref, je digresse …. Bravo pour cet article encore ! (et en faire un livre n’est pas une mauvaise idée, il y a tant à dire !)

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    1. Merci beaucoup Anne pour ces réactions. Je suis totalement d’accord avec toi, c’est très problématique qu’un système qui est censé soigner se retrouve bien souvent à vouloir formater les personnes. Si je prends l’exemple de ma tante schizophrène, évidemment je ne l’ai pas connue avant ses traitements, mais aujourd’hui elle a 65 ans et je vois bien que les traitements ont autant annihilé sa pathologie que sa personnalité. C’est très triste. Il faut vraiment qu’on arrive à faire de la place à tout le monde, une vraie place, pas une « sous-place ».

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  9. La parole se libère mais est-ce que la société l’écoute plus qu’avant ? C’est là où comme toi, je n’en suis pas sûre et que je trouve que ça n’avance pas vite.
    Merci pour cet article, qui va me laisser songeuse, pour sa lucidité, sa tendresse aussi. J’espère que tu vas bien aujourd’hui

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    1. Rien n’avance vite pour les femmes, c’est parfois déprimant ! Merci pour ton commentaire. Aujourd’hui, j’essaie de me détacher de l’importance d’avoir l’air forte. Évidemment tout cela a laissé des traces et certaines choses ne guériront peut-être pas. Pourtant, ces épreuves ne m’ont pas empêchée d’avoir une vie que j’aime, une vie bien à moi, et je suppose que c’est déjà pas mal.

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  10. Je découvre le coeur serré ce texte si puissant et personnel. Merci, merci pour ce témoignage magnifique, pour cette évocation si sincère et juste de la machine qui l’a broyée, de la conjonction terrible de la vulnérabilité intime et de la violence professionnelle qui conspirent ensemble à foudroyer des âmes ardentes et sensibles. En te lisant, j’ai compris l’engrenage terrible qui l’avait engloutie, et comme toi, j’ai fait une constatation qui me sidère : comment se fait-il que les milieux de l’art, de la culture, de la littérature, etc, qui se veulent émancipateurs, idéalistes, sont souvent trempés de bien-pensance et d’idéaux un peu grandiloquents, puissent se révéler à l’épreuve de la réalité si violents, misogynes, finalement réactionnaires dans leur persistance des luttes de pouvoir intestines, des préjugés et des plafonds de verre ? De tout coeur avec toi et pleine de sororité… Pensées pour ta mère et pour la fille, femme magnifique que tu es. Je t’embrasse fort

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    1. Merci beaucoup Alexandra pour ces mots. Je lisais récemment des témoignages sur l’Ecole du Louvre (où ma mère… et Hélène ont fait leurs études). Des étudiantes d’aujourd’hui qui soulignent combien les femmes sont incitées à rester dociles dans ce milieu. C’est donc vraiment structurel. Ma mère était tout sauf docile et elle a payé le prix fort. J’espère tellement que les choses changeront dans un avenir proche…

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