Le festival de la coupe mulet en Belgique

Elle déchaine les passions. Souvent moquée : « Haha on dirait un footballeur allemand des années 90 ! ». Parfois hypée, notamment au sein des communautés queer. Elle fait l’objet de reportages capsules souvent un poil condescendants sur des médias en ligne. En tout cas, elle ne laisse personne indifférent.e ! « Elle » c’est-à-dire l’illustre coupe mulet, la nuque longue et les tempes rasées, party in the back, business in the front comme on dit.

Clivante, la coupe mulet ? Au contraire, à en juger par l’incroyable esprit de communauté qui régnait au festival de la coupe mulet organisé en Belgique ce mois de mai. On a eu la chance d’y être, et on vous raconte absolument tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur cet événement sans jamais oser le demander !

Et d’abord, je précise que si j’avais envie d’aller au festival de la coupe mulet, c’est parce que j’ai moi-même opté pour cette coupe depuis deux ans, et que j’avais donc envie d’aller à la rencontre de mes semblables.

Qu’est-ce qui a bien pu me pousser à choisir cette coupe, vous demandez-vous probablement ? Au moment où j’ai quitté mon dernier job, j’avais envie de changer de tête pour marquer le coup, et j’ai eu une illumination : est-ce que ce n’est pas le moment parfait pour tenter la coupe mulet ?

Il ne restait plus qu’à laisser pousser dans la nuque pour rejoindre l’influente confrérie secrète internationale du mulet (je vous ai déjà raconté comment j’avais gagné un limoncello gratuit à Turin lors d’un voyage dans les Alpes grâce à mon mulet). Maintenant, j’aime tellement cette coupe que j’ai du mal à imaginer ma tête autrement.

Alors, le festival de la coupe mulet, ça ressemble à quoi ? C’est où, qui sont ces gens, qu’est-ce qu’il s’y passe ?

Pour cette édition 2024, les organisateurices ont choisi un lieu génial, l’Abbaye des Rocs à Audregnies, juste de l’autre côté de la frontière avec la France. En fait, j’y étais déjà passée lors de mon petit trip vélo et matrimoine en Wallonie. Nathalie Eloir, la propriétaire et brasseuse de bière, m’avait accueillie avec ses superbes chiens pour me faire visiter son petit coin de paradis campagnard. Le festival se déroulait dans le parc de l’Abbaye, et après toutes ces semaines de pluie et de temps maussade c’était juste le bonheur d’être dehors, au soleil, sous les arbres en fleurs. Quand nous sommes arrivées le samedi après-midi, il y avait déjà des groupes d’ami.es, des familles, des chiens, de la musique, et on a su direct qu’on allait passer un bon moment.

Tes tempes tu rafraichiras

C’était la première fois que j’allais à un festival consacré à une coupe de cheveux – et je me demande en écrivant cela si d’autres coupes de cheveux ont aussi leur festival : où sont le festival du carré plongeant, le festival de la frange ou le festival de la crête punk ? Bien logiquement, il était possible de se faire couper les cheveux sur place, l’occasion rêvée de céder enfin aux sirènes du mulet ou de simplement rafraichir son tour d’oreilles.

Les coiffeureuses étaient là le samedi et le dimanche, sous des tentes, les pieds dans l’herbe et les tondeuses branchées aux générateurs. C’était gratuit, une fois payée l’entrée au festival (une vingtaine d’euros pour la journée du samedi). Les candidat.es à la coupe mythique faisaient la queue dans un esprit bon enfant en attendant qu’une place sur le banc se libère, trois personnes à la fois, ça ne chômait pas ! Alors que nous attendions, une émission de télé belge est arrivée pour filmer la transformation spectaculaire du gars qui me précédait. Le mec, Anthony, avait de superbes cheveux longs, mais genre superbes comme dans une pub pour du shampoing. Moi qui adore les émissions télé de relooking, j’étais servie : aux premières loges pour assister à la métamorphose d’un homme aux cheveux simplement soyeux qui allait devenir un homme au mulet spectaculairement stylé. Agathe, la coiffeuse, avait la pression, les caméras étaient braquées sur elle, et ça a été une réussite. La preuve en images ici.

Pour ma part, point de transformation épique, mais un bon coup de tondeuse sur les tempes et quelques coups de ciseaux dans la nuque et devant pour harmoniser tout ça. De quoi sentir le pouvoir du mulet fraichement rasé prendre possession de moi et être pile dans le mood pour profiter à fond du festival.

Ton gosier aussi tu rafraichiras

Le festival ayant lieu chez une brasseuse / le festival ayant lieu en Belgique, la bière était évidemment à l’honneur. Deux bières de l’Abbaye des Rocs étaient proposées, dont une pils brassée spécialement pour l’occasion et portant le doux nom d’Amulette. Comme je conduisais, je n’en ai bu qu’un demi, et elle était parfaite pour un festival en plein air. Les deux bières étaient faiblement chargées en alcool (3,5° et 5,4°), ce qui est une bonne idée pour ce genre d’événement. Le reste du temps, on a carburé au jus de pommes, très bon lui aussi et vraiment pas cher. Un festival avec des prix doux et des bons softs : c’est un grand oui.

Niveau bouffe, c’était la même philosophie : du local, bon et pas abusé niveau prix. Hot dog, sandwich, chili végé… il y en avait pour tout le monde. Les frites étaient impeccables avec leur cortège de sauces. Ah, ce moment quand tu voyages dans les Hauts-de-France ou en Wallonie et que tu te sens complètement étrangère parce que tu poses la question qui te trahit : « Vous avez quoi comme sauces ? » Je me demande si les natif.ves apprennent la liste des sauces en même temps que les tables de multiplication.

La bouffe et la boisson, c’est un critère important pour les festivals (et pour la vie en général), et le festival de la coupe mulet était irréprochable de ce point de vue !

Sur la coupe mulet tu écriras

Cette année, le festival de la coupe mulet avait lancé un concours de textes autour du thème « Désobéissance fertile ». Chouette idée pour faire entrer la meilleure coupe de cheveux du monde dans la postérité littéraire. Il se trouve que j’avais participé au concours, étant inspirée par ce joli thème, et figurez-vous que mon texte faisait partie des dix lauréat.es ! Il a donc été publié dans l’anthologie qui est sortie pour l’occasion chez l’éditeur Cactus Inébranlable.

Et c’est ainsi que je me suis retrouvée sur la scène du festival avec deux autres co-lauréats et plusieurs membres du jury pour présenter ce recueil. Un membre du jury a lu un extrait de mon texte et le public à mulet a crié mon prénom – franchement c’est l’une des plus grandes réussites de ma vie. Quand je vous dis que j’ai vécu l’expérience de ce festival à 100%, je ne mens pas. Et je suis vraiment fière au premier degré de figurer dans ce petit livre que vous pouvez commander ici.

Le plus beau mulet tu éliras

Mais le moment phare du festival est évidemment le championnat européen de la coupe mulet, qui se décline en plusieurs catégories en plus du grand gagnant (qui était cette année une gagnante) : junior, vétéran, famille, mulet atypique, couple… Comme je voulais vous raconter tous les coulisses de la compétition, je me suis inscrite, admirez la conscience professionnelle. Il fallait remplir une petite fiche avec quelques questions sur nous et notre mulet (est-ce que ça nous donne des super-pouvoirs, pourquoi on pense qu’on ferait un.e bon.ne gagnant.e etc), et ensuite un photographe était là pour nous tirer le mulet, euh, nous tirer le portrait. Sur le conseil de mon agente (alias Hélène), j’ai concouru dans la catégorie vétéran, car, je cite : « Tu auras plus de chances de gagner ! » C’était un bon calcul, mais j’ai perdu quand même. Quoi qu’il en soit, c’était drôle de monter sur scène défendre fièrement le mulet poivre et sel !

Clairement, je ne faisais pas le poids face aux crinières de nombreux.ses autres participant.es, et j’en ai pris de la graine pour une prochaine édition. Mon mulet – qui pourtant déclenche des réactions souvent horrifiées dans mon entourage – est encore bien timoré à côté des cascades décolorées, des tempes rasées à blanc ou des boucles tombant dans le dos de certain.es. Et je n’avais pas assez travaillé mon personnage ni mon accoutrement. Je n’avais ni cycliste moulant ni blouson brodé ni veste fluo. Le prix du public a d’ailleurs récompensé un mulet breton venu avec ses copain.es arborant des coiffes traditionnelles. Note pour moi-même pour la prochaine fois : penser aux accessoires et aux groupies.

Quoi qu’il en soit, le public soutenait avec enthousiasme toustes les participant.es qui montaient sur scène chacun.e leur tour et c’était une célébration complètement WTF. Tellement anticonformiste et libérée, tellement décalée. Tellement joyeuse.

Le record du monde de chmulet tu battras

Une fois les prix décernés et les vainqueur.es célébré.es, ce fut le moment de la grande communion : le chmulet. Si le mot vous est étranger, béotien.ne que vous êtes, sachez qu’il s’agit d’une contraction de chenille et de mulet. Soit l’action de faire la chenille en se tenant par le mulet. Je ne crois pas avoir fait dans ma vie quelque chose d’aussi absurde et euphorisant à la fois.

On a mis de la musique, les maitres de cérémonie nous ont guidé.es, la foule qui applaudissait les plus beaux mulets s’est convertie en une chenille géante guidée par sa championne du jour, Jojo et son mulet multicolore, j’ai attrapé un jeune mulet bouclé qui passait devant moi, et c’était parti ! On a défilé dans le jardin alors que le soleil se couchait, et sous le portique du décompte – car c’est un record pour de vrai, un record sérieux – nous étions 242 mulets et mulettes à faire la chenille. Qui dit mieux ???

Sur la piste de danse tu te déhancheras

Le festival de la coupe mulet, comme tout festival qui se respecte, c’est aussi une programmation musicale avec pas moins de deux scènes pour faire plaisir aux oreilles de tout le monde (bien dégagées, les oreilles, on a dit). Parmi la dizaine de groupes programmés, j’ai bien aimé voyager dans les Balkans avec le duo La Borgne Agasse, qui a ramené de ses roadtrips autant de bonnes anecdotes que de chansons entrainantes. Le dimanche, c’était chouette de chiller dans le jardin en écoutant les cuivres de la fanfare féminine Les Muses tanguent. Et tout au long du festival, le collectif La plus mauvaise soirée du monde nous a fait danser sous les pommiers au son de titres refoulés dans la nébuleuse de l’inconscient collectif des années 1980 et ressuscités le temps d’un week-end pas mauvais du tout.

Le lendemain tu pique-niqueras

Une fois toute l’adrénaline du championnat et du chmulet passée, le festival s’est prolongé le dimanche, parce qu’on n’avait pas envie de se quitter, voilà. L’entrée était gratuite et les gens venaient en famille profiter du jardin et tâter un peu de cette ambiance unique. Des enfants jouaient, des adultes cuvaient, tout le monde se remettait de ses émotions. Les coiffeureuses faisaient encore tourner la tondeuse pour les plus motivé.es, la musique et les frites coulaient à flot, c’était le moment de papoter en grattant le ventre du chien, de raconter les éditions passées et de rêver aux éditions futures.

Si j’avais un seul regret, c’est que toute cette myriade de mulets n’ait pas donné envie à Hélène d’essayer elle aussi ladite coupe… Le prochain festival est dans deux ans, vous pensez qu’elle se laissera convaincre d’ici là pour qu’on puisse concourir dans la catégorie couple ?

Le dimanche, un habitué nous faisait part de la nostalgie qui s’emparait de lui après chaque festival. Je peux comprendre. C’est rare, une ambiance aussi détendue, kids friendly, dogs friendly, queer friendly (c’est une grande famille de femmes qui a gagné le prix du mulet famille), bref friendly tout court. C’est rare, un festival pas cher, bien organisé, où on peut même camper gratuitement tout le week-end et où les allié.es sans mulet sont évidemment les bienvenu.es !

Alors, tenté.e par ce grand voyage de l’autre côté du bon goût ?

Vous aurez sans doute remarqué que j’ai fait plusieurs très chouettes escapades en Wallonie ces derniers temps grâce à un partenariat toujours agréable avec Wallonie Belgique Tourisme. Quand j’ai contacté Marie, mon interlocutrice, pour lui proposer un partenariat autour du festival de la coupe mulet, elle a tout de suite répondu banco ! Avec Hélène, nous avons profité de cette occasion pour nous balader aussi à Mons et dans les environs. Les autres découvertes de ce séjour (dont les bonnes adresses) feront l’objet d’un prochain article. Merci en tout cas au WBT pour l’organisation de ce séjour muletastique !


4 réflexions sur “Le festival de la coupe mulet en Belgique

  1. C’est tout simplement magique. Le genre d’événement qui redonne foi en l’humanité. Ou du moins qui rappelle que la légèreté existe, et qui doit faire un bien fou. Je te nomme correspondante officielle de la blogosphère au Festival du Mulet (pardon, de la Biennale du Mulet). Vivement la photo de famille avec Hélène, Vita et toi toutes parées de mulets soyeux !

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