Escapade culturelle à Liège

Début octobre, j’ai passé deux jours à Liège, en Belgique, à l’occasion d’un festival féministe. En partenariat avec Visit Wallonia, j’en ai profité pour découvrir la ville et sa grande richesse culturelle. Située sur les bords de la Meuse, Liège fourmille d’initiatives associatives et d’espaces alternatifs. En deux jours, j’ai à peine survolé une petite partie de ce que cette ville a à offrir. Mais ces deux jours ont suffi pour conquérir mon cœur de voyageuse !

Initiatives féministes à Liège

Le Festival Voix de femmes

C’est ce qui m’a attirée en premier lieu pour venir à Liège : le festival féministe Voix de Femmes, dont la soirée d’ouverture était consacrée cette année à Tove Jansson (sur les traces de qui nous sommes parties en Finlande cet été, si vous nous avez suivies sur Instagram). Se retrouver en Belgique à cause d’une artiste finlandaise, c’est original, me direz-vous ! J’appelle ça une jolie sérendipité, et c’est souvent en me laissant guider par la petite boussole intérieure de mes obsessions du moment que je fais de très belles découvertes.

Le festival Voix de Femmes se tient toutes les années impaires sur une quinzaine de jours dans plusieurs lieux répartis dans toute la ville de Liège. La programmation s’articule autour d’une thématique pour chaque édition – cette année, le mot d’ordre était : « Esprit de suite ». C’est un festival qui existe depuis 1991 ! (Je suis admirative de la longévité d’un tel projet). Il est portée par l’association Voix de femmes, qui organise également d’autres événements et actions tout au long de l’année : ateliers musicaux, podcasts, tables rondes, production de contenus et résidences, entre autres. Ce qui veut dire que vous pourrez très certainement assister à d’autres événements féministes de qualité à Liège sans attendre l’édition 2025 du festival !

Pour ma part, j’étais évidemment heureuse de retrouver Tove Jansson autour d’une lecture et d’une rencontre avec le Laboratoire Renversement(s), qui s’interroge sur la possibilité d’un théâtre lesbien. Après une présentation de Tove Jansson et de son œuvre, les membres de ce collectif ont donné une lecture d’extraits du livre Fair-Play, dans lequel Jansson chronique trente ans de vie commune avec sa compagne – sous couvert de fiction. C’est un livre que j’adore, que j’ai lu et relu déjà quelques fois (et que je vous invite bien sûr à lire à votre tour !) et ça m’a fait plaisir d’en entendre des passages lus à voix haute, de manière vivante et inventive.

Je n’ai pas pu assister à d’autres événements du festival, faute de temps, mais toute la programmation faisait fort envie. Le festival apporte une attention particulière à la question de l’accessibilité, à la fois avec des tarifs à prix libre, et aussi avec une interprétation en langue des signes de certains événements.

Le Laboratoire Renversement(s) lit « Fair Play » de Tove Jansson

Le projet Tisser son histoire

J’ai également eu la chance de rencontrer Pauline Jeanne le temps d’un café sur un canapé cosy du bar Chez Moi (voir bonnes adresses en fin d’article), pour discuter d’un projet vraiment inspirant (je n’aime pas ce terme qui est si souvent galvaudé, mais là je vous assure qu’il convient parfaitement) : les ateliers Tisser son histoire.

Pauline, animatrice et styliste, a créé cette série d’ateliers féministes mêlant écriture poétique et tissage en 2022. Elle en a eu l’idée lors d’un voyage au Sénégal, pendant lequel elle a découvert la Manufacture sénégalaise des Arts décoratifs, à Thiès. Son envie de mêler l’écriture et le tissage dans des ateliers a alors commencé à germer, mais il a encore fallu quelques années avant qu’elle se réalise.

Les ateliers Tisser son histoire ont lieu une fois par semaine pendant plusieurs mois, avec un même groupe, en non-mixité choisie. Une semaine, c’est atelier écriture, une autre semaine, c’est atelier tissage. Pauline complète également les ateliers par des écoutes de podcasts et par des discussions entre les participantes. Les thématiques abordées sont larges et vont de l’anarchisme aux identités queers en passant par la grossophobie ou les violences sexuelles. A l’issue de la première session d’ateliers, une exposition a été organisée pour présenter les œuvres de tout le groupe. Je n’ai vu que des photos de cette exposition, mais le résultat a l’air super intéressant, et rend très bien visuellement : les textes et les textiles se mêlent, et le message n’en est que plus fort. Une deuxième session est en cours.

Avec une énergie communicative, Pauline m’a aussi parlé de la vie alternative et féministe à Liège, terreau de luttes sociales et d’éducation populaire. « Un joli chaos », selon elle – et elle ne sera pas la seule à le dire. Mais un chaos assurément créatif !

Street art et arts situés

L’art et la culture sont omniprésentes à Liège : de la Boverie (le musée des Beaux-Arts, qui travaille notamment en partenariat avec le Louvre) à la Cité Miroir (un centre culturel installé dans une ancienne piscine), en passant par des structures plus alternatives comme KulturA (un lieu dédié à la création émergente et à sa diffusion), on a l’embarras du choix.

Pour ma part, j’ai choisi de me concentrer sur des formes d’art peu traditionnelles, des formes qui questionnent justement ce qu’est l’art, et comment et où il peut être montré. Vaste programme, je sais !

Le Trinkhall Museum

Le Trinkhall Museum, c’est un musée comme vous n’en verrez nulle part ailleurs, ou presque. Ce musée d’art contemporain abrite une collection d’œuvres d’art réalisées par des artistes ayant un handicap mental, en contexte d’atelier. La notion de l’atelier est centrale dans le projet, car le musée s’adosse à la structure du Créahm (Création et handicap mental), un atelier dont sont issues la plupart des œuvres présentées. Cela veut dire que les œuvres voient le jour dans un contexte de création, et pas dans un but thérapeutique ou occupationnel. Ce sont des œuvres créées par des artistes, point.

Après une introduction par Muriel, qui m’a présenté le projet et la vocation du Trinkhall, je suis restée un bon moment dans les salles, en me posant mille questions – ça tombe bien, j’aime les lieux qui me questionnent. En me baladant devant les œuvres, dont certaines m’ont rappelé ici le Nouveau Réalisme, là l’art abstrait minimaliste, j’ai ressenti une vraie incompréhension : pour moi, il n’y a aucune raison que ces œuvres et ces artistes soient séparés du monde « académique » de l’art.

Le projet du Trinkhall n’est pas à incriminer, bien au contraire. Il visibilise les artistes de sa collection d’une manière intelligente, audacieuse, réfléchie. Le bâtiment est magnifique, les espaces d’exposition sont ultra lumineux et aérés, les matériaux sont élégants, et tout cela valorise évidemment les œuvres qui sont exposées là. De plus, la muséographie prend des parti-pris originaux, avec des cartels qui sont bien plus poétiques qu’explicatifs, et très peu d’informations biographiques sur les artistes.

J’ai aimé beaucoup des œuvres que j’ai vues, à la fois dans l’exposition monographique du rez-de-chaussée consacrée à Michel Petiniot et dans l’exposition thématique à l’étage autour du titre énigmatique « L’événement d’être là ». Il y a aussi des œuvres marquantes qui sont exposées en permanence, comme la cabane de Pascal Tassini et le musée idéal d’Alain Meert et Patrick Marejewski.

Je vous incite fortement à visiter le Trinkhall si vous êtes dans le coin. En guise de mot de la fin, je laisse la parole à Carl Havelange, le directeur artistique du musée, qui résume le projet bien mieux que je ne saurais le faire : « Nous voulons un musée (…) qui trouve son chemin parmi les obstacles et les contradictions inhérents à tout projet muséal ; qui célèbre sans enfermer ; qui nomme sans réduire ; qui rend possible sans imposer ; qui défend le parti-pris des singularités et la puissance expressive des mondes fragiles. » La fragilité comme punchline, c’est en tout cas un pari qui me plait.

Le parcours Paliss’art

Depuis 2002, la ville de Liège a décidé de faire du street art un axe de sa politique culturelle (et touristique) en créant l’opération Paliss’art. En vingt ans, une centaine d’œuvres a été financée dans l’espace public, avec la collaboration de l’association Spray Can Arts. Les débuts ont été modestes, avec des surfaces réduites et des artistes du coin, souvent bénévoles, puis le projet a pris de l’ampleur. Au fil des ans, de grandes fresques peintes par des artistes locaux et/ou à la renommée internationale ont rejoint cette collection d’art à ciel ouvert. Aujourd’hui, il reste une quarantaine d’œuvres à découvrir dans tous les quartiers de la ville.

Accompagnée d’Elise, de l’office du tourisme de Liège, j’ai suivi l’itinéraire qui se concentre sur le centre historique et le quartier Outremeuse. L’office du tourisme propose plusieurs circuits street art à faire en autonomie ou en visite guidée. Vous pouvez les retrouver sur l’application Balades liégeoises.

J’aime toujours le côté chasse aux trésors des balades street art, c’est un bon fil rouge quand on aime flâner. Avec Elise, nous avons traversé la Meuse pour rejoindre Outremeuse, un quartier-île à l’ambiance populaire, qui a notamment la particularité de décréter son indépendance quatre jours par an autour du 15 août. Je ne sais pas pour vous, mais moi je trouve que le mot « Outremeuse » est vraiment poétique. C’est accessoirement le quartier où le célèbre romancier Georges Simenon a grandi, et des itinéraires de balade lui sont également consacrés.

Entre une caserne réhabilitée en école d’art, un ancien hôpital en ruines et un bâtiment ultra-moderne abritant le centre de ressources et de créativité de la province de Liège, nous découvrons des œuvres de street art sur des pans de murs de maisons ou le long d’un grand hall omnisports. J’ai eu un coup de cœur pour la fresque « Gazoline » de Iota, une street artiste belge. Ses grandes formes bleu peintes sur le flan d’une maison ont attiré mon œil immédiatement, et c’est seulement dans un deuxième temps que j’ai compris qu’il y avait un personnage qui était représenté, dans des jeux de transparence avec des formes plus abstraites. Il y a dans cette œuvre une fluidité, une sensation de métamorphose qui fait complètement écho à l’ambiance du quartier d’Outremeuse.

Dans le centre historique, ne manquez pas les « Crystal Flowers » d’Okuda San Miguel sur la façade des Fonds patrimoniaux (c’était là où avait lieu aussi la rencontre sur Tove Jansson). De grands cristaux de couleurs vives, c’est exactement ce qu’il faut pour égayer ce bâtiment de la plus pure inspiration brutaliste ! Et faites un coucou au pigeon ultra-réaliste d’Adèle Renault, artiste originaire de Liège qui s’est fait connaitre en magnifiant ces volatiles urbains si mal-aimés.

Un peu plus bas, sur la dérivation de la Meuse, le clou du spectacle est assurément « L’homme de la Meuse », de Sozyone, une double fresque qui s’étend sur deux pignons d’immeuble. D’un côté, la tête et le buste, de l’autre les pieds, d’un homme au chapeau melon qui semble étendu là, comme sortant d’un rêve.

Flâner dans le quartier de Pierreuse

S’il y a bien un rituel incontournable pour toute personne découvrant Liège, c’est la montée de la montagne de Bueren, un escalier bien raide de 374 marches qui grimpe vers la citadelle. Allez, on prend son élan et on se lance, en admirant au passage les sportif.ves qui montent ou descendent en courant ! Perso, mon tip pour arriver en haut sans être trop essoufflée est de s’arrêter régulièrement pour savourer une bonne gaufre de chez Une gaufrette saperlipopette (voir bonnes adresses juste en-dessous). Admirer la vue sur Liège en plein pic de glycémie, c’est la vie qu’on veut, non ?

Je suis redescendue vers le centre par la rue Pierreuse et la rue Volière, dans un entrelacs de ruelles pavées et de maisons biscornues à flan de coteaux. Outre le charme de ce quartier, j’ai senti une ambiance populaire et engagée, avec beaucoup d’affiches pour des initiatives associatives ou militantes, et ça m’a bien plu.

Je me suis arrêtée à la librairie Entre-temps, située dans l’une de ces anciennes maisons du quartier Pierreuse. La librairie fait partie de l’association Barricade, qui vise à offrir un lieu d’émancipation individuelle et collective à travers des rencontres, des publications ou encore des animations. La librairie est à l’image de ce projet, et on y trouve un grand choix de livres sur le féminisme, la politique, l’environnement, mais aussi de la fiction et des BD, et un très beau rayon de micro-édition. J’ai craqué pour un petit fanzine et une revue complètement barrée… tout à fait le genre de souvenirs que j’aime ramener à la maison.

Un peu plus loin, je suis tombée par hasard sur un endroit qui m’a émue : la Chapelle Saint-Roch en Volière, et le bâtiment attenant. Cette chapelle datant du 16ème siècle était en fait fermée quand j’y suis passée, mais c’est un panneau à côté qui a attiré mon attention. On y expliquait que pendant plusieurs siècles, des moines avaient accueilli ici des personnes ayant des troubles mentaux. Aujourd’hui, les bâtiments qui jouxtent la chapelle ont été transformés en logements sociaux, mais pendant des siècles ces lieux ont été dédiés au soin de ceux qu’on appelait alors des aliénés, ou des insensés. Si cette histoire vous intéresse, j’ai trouvé ce site très bien fourni, qui revient à la fois sur l’histoire du lieu et sur les traitements qui étaient administrés aux personnes vivant là (c’est une histoire compliquée, on s’en doute, mais intéressante). La chapelle accueille aujourd’hui des événements culturels, et notamment des concerts.

Voilà pour mes quelques découvertes en deux jours à Liège, et il me reste assurément encore plein de surprises pour une prochaine fois ! En attendant, je partage avec vous quelques bonnes adresses pour un séjour réussi.

Bonnes adresses à Liège

Où dormir à Liège ?

J’ai eu la chance de dormir dans une très belle adresse de charme en plein centre historique de Liège, l’hôtel Neuvice. Dans une des plus vieilles ruelles de la ville, cet hôtel propose une douzaine de chambres réparties dans plusieurs bâtiments qui furent autrefois la résidence et l’atelier d’un libraire-imprimeur (le genre de petit détail qu’on aime). Briques brutes ou repeintes, coursives en bois, belle hauteur de plafond… J’ai aimé l’attention portée à chaque détail, et l’ambiance à la fois moderne et hyper chaleureuse. Le petit-déjeuner buffet, servi dans une pièce voutée en entresol, est délicieux et offre un beau choix de produits locaux et gourmands. Et l’accueil est excellent !

Où faire une pause gourmande à Liège ?

Bonne nouvelle, Liège est une excellente destination pour les gourmand.es ! Que vous soyez végétarien/vegan ou viandard, buveuse de bière ou abstinente, team salé ou team sucré, vous trouverez votre bonheur !

Je commence forcément par l’une des spécialités emblématiques de Liège : la gaufre ! Moelleuse, régressive comme il faut avec ses grains de sucre croquants, parfumée d’une touche de canelle… Elle est juste parfaite, et elle vient de la jolie boutique Une gaufrette saperlipopette.

Pour un déjeuner cosy, veggie et bio, direction En ville, une adresse où l’on a envie de chiller tout l’après-midi en sirotant des limonades maison. La carte salée propose des tartines et des rolls salés très originaux, avec plein de bons légumes de saison. Attention, il semble que l’endroit fermera fin 2023 ;-(

Si vous visitez le Trinkhall Museum, arrêtez-vous au Trinkhall Café. La terrasse donne sur le parc qui entoure le musée. Début octobre, il faisait encore assez bon pour manger dehors, et j’ai profité d’un rayon de soleil pour déguster l’un des plats les plus régressifs que je connaisse : le vol-au-vent + frites ! It’s all about béchamel. Une bonne adresse, dont la vocation est aussi l’insertion sociale – double raison de soutenir un tel lieu.

Le soir, j’ai bien aimé le food court La Grand poste, installé dans le bâtiment néogothique un poil Disney de l’ancienne poste. Le lieu accueille aujourd’hui des espaces de coworking, une brasserie artisanale et un food market très sympa et pratique. Poké bowl, tacos ou spécialités locales : de la street food efficace et de qualité ! (Oui, un poké bowl ça fait du bien parfois après un vol-au-vent et une gaufre).

Pour boire un verre ou un café, je vous recommande de vous installer confortablement dans un canapé en chesterfield de Chez Moi, où j’ai rencontré Pauline. Nous y étions en début d’après-midi, plutôt à l’heure d’un bon café (le flat white était impeccable), mais ça a l’air d’être aussi un bon bar à cocktails… A retenter pour l’apéro, donc !

En parlant d’apéro, j’ai pris une bière locale et des croquettes de crevettes grises dans la cour du bar Fondamental. Revisiter les spécialités belges sous forme de tapas, c’est l’idée gagnante de ce bar convivial situé en plein centre-ville. Je valide.

A Outremeuse, je me suis arrêtée pour un café au Lion d’Or, vraiment au feeling, et j’ai aimé l’ambiance de ce bar de quartier qui ne paie pas de mine. Il y avait un grand rainbow flag juste devant et ça m’a fait plaisir (même si ce n’est pas spécialement un lieu gay). On y est bien reçue !

Je n’ai pas pris de boulets de Liège cette fois, car j’en avais goûté de très bons en décembre dernier à Bastogne, mais c’est une spécialité à essayer : des boulettes de viande hachée avec une sauce épaisse aigre-douce, servies évidemment avec des frites ! La comfort food ultime, en somme.

Ce n’est pas pour rien que l’on surnomme Liège la Cité ardente. J’ai aimé son ambiance créative et vibrante, populaire, parfois bordélique, mais résolument accueillante. J’y retournerai volontiers, et j’espère vous avoir donné envie de la découvrir !

Je remercie chaleureusement Marie Breton, de Visit Wallonia, pour l’organisation de ce séjour !


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