Légendes d’automne à Ecouen

Nous nous retrouvons pour un nouveau rendez-vous #EnFranceAussi autour du thème « Légendes », proposé par notre chère Audrey du blog Arpenter le chemin. Heureusement qu’il y a ce rendez-vous pour se motiver à écrire parce qu’avec le reconfinement, ce n’est pas évident de s’y mettre. Mais cela fait du bien de se remémorer les belles visites qu’on a faites récemment. Et cela vous donnera peut-être des idées pour vos sorties de déconfinement, qui sait ?

Cela faisait longtemps que nous voulions visiter le château d’Ecouen, qui abrite aussi le Musée national de la Renaissance. En septembre et en octobre, la perspective de nouvelles restrictions nous a bien motivées pour faire certaines de ces choses dont on se dit qu’on les fera « un jour ». Grand bien nous a pris d’aller à Ecouen ce samedi d’octobre, car nous y avons passé une merveilleuse journée d’automne, entre balade en forêt, immersion dans l’univers fantastique des objets de la Renaissance et pause gourmande.

Si vous voulez croiser des dragons et des licornes, ne cherchez plus, Ecouen vous attend !

Prélude en forêt

Ecouen se trouve dans le Val d’Oise, c’est un joli bourg situé dans les plaines agricoles les plus proches de Paris. Pour y aller, c’est très simple : le Transilien vous y emmène en 20 minutes depuis gare du Nord. Ensuite, vous pouvez prendre un bus jusqu’au château, mais nous vous conseillons plutôt de marcher à travers la forêt. C’est une excellente manière de se mettre en condition, de couper avec la ville et de laisser le présent derrière soi.

Ce jour-là, les couleurs d’automne sont au rendez-vous et les sentiers sont jonchés de bogues de marrons. Il y a quelques joggeurs et familles en balade, mais c’est très tranquille et nous nous autorisons à tomber le masque pour respirer la forêt à pleins poumons. Que ça fait du bien. La forêt d’Ecouen est libre d’accès et, avantage intéressant à cette période de l’année, il n’y a pas de chasseurs (c’est une petite forêt avec de la ville autour).

Un mur d’enceinte marque le début du domaine du château d’Ecouen. La forêt se poursuit et nous découvrons un intrigant vestige de fontaine au fond du parc. Il s’agit de la fontaine Hortense,  nommée en l’honneur d’Hortense de Beauharnais, protectrice des lieux lorsqu’ils ont accueilli au 19ème siècle les jeunes filles de la Légion d’Honneur. Au bout des allées de chênes et de châtaigniers, la silhouette du château se dessine.    

Le château d’Ecouen

Il se dresse en surplomb sur la plaine environnante, avec l’allure élégante d’un château qui a été construit pour plaire et se divertir plutôt que pour se défendre. Edifié sur le domaine de chasse de la famille Montmorency, le château d’Ecouen a été construit à l’initiative du Connétable Anne de Montmorency (Anne était à l’époque un prénom épicène pouvant être porté par les hommes). Au 16ème siècle, le Connétable est un genre de super Premier Ministre qui regroupe de nombreuses fonctions. Ami proche de François Ier, qui finira par le désavouer, Montmorency retrouve ensuite une place de premier plan auprès d’Henri II. D’ailleurs, Henri II et Catherine de Médicis feront de nombreux séjours à Ecouen.

Je ne peux pas dire que ce genre de personnage historique me soit très sympathique : Montmorency est un homme de guerre, et à son époque, cela veut dire notamment qu’il combattait les protestants. En 1559, l’édit d’Ecouen autorise ainsi à abattre les protestants sans aucun procès. Cet édit est considéré comme l’un des événements déclencheurs des guerres de religion à venir. Montmorency, pour sa part, meurt en 1567 lors d’une bataille entre catholiques et protestants à Saint-Denis.

Malgré cela, Montmorency était fasciné par le raffinement de l’art italien, qu’il avait découvert lors de campagnes militaires et de périodes de captivité en Italie. Pour son château d’Ecouen, il fait venir de nombreux artistes renommés de l’époque – y compris des artistes protestants, allez comprendre. Et il ne lésine pas, car son château doit être à la hauteur de son rang. Honnêtement, nous avons été vraiment surprises par la beauté des lieux et la richesse des collections. Ecouen n’a rien à envier à ses cousins de la Loire !

Lors de la visite des deux étages du château, l’œil est attiré par une myriade de détails architecturaux ou décoratifs. Nous voilà plongées dans une profusion de matières et de motifs, dans une atmosphère de contes et de légendes. Des lits à baldaquins où des reines ont dormi, de vastes salles où des princes ont dansé, de hautes cheminées aux manteaux richement ornementés. La déconnexion temporelle est totale, favorisée par un éclairage tamisé et par l’excellente conservation des objets. On s’y croirait !   

Le Musée national de la Renaissance

Le château d’Ecouen n’est pas seulement un château, il abrite aussi la magnifique collection du Musée national de la Renaissance. En fait, il fallait trouver un lieu pouvant accueillir la tapisserie « David et Bethsabée », qui mesure la bagatelle de… 75 mètres de long ! Ce chef d’œuvre a été fabriqué à Bruxelles et aurait appartenu à Henry VIII d’Angleterre. Il occupe plusieurs salles du château, comme une gigantesque bande dessinée.  

Ce qui est fantastique avec les arts de la Renaissance, c’est la profusion de détails et le riche imaginaire qui se déploie sur les tentures, la vaisselle, les vitraux, le mobilier ou les céramiques. Il faut prendre le temps de regarder les scènes sur les tapisseries, par exemple, et aller fouiller l’arrière-plan, où il a toujours de curieuses créatures qui se cachent.

Je vous ai promis des dragons et des licornes, les voici ! J’ai eu un coup de cœur pour le beau dragon bleu qui poursuit Latone dans la tapisserie « Jupiter et Latone ». Pendant la Renaissance, on redécouvre et on réinterprète la mythologie gréco-romaine. Ce n’est donc pas le dragon de la légende chrétienne de Saint-Georges, qui se fait terrasser (pauvre dragon). C’est une représentation de Python, dragon envoyé par une Junon jalouse pour courser Latone – qui se trouve être enceinte de l’insatiable (et probable harceleur multi-récidiviste) Jupiter.

Ici, le dragon, qui ressemble finalement à un lévrier super musclé avec de jolies ailes, représente donc la colère de Junon. D’ailleurs, je devrais plutôt dire la dragonne, car vous remarquerez qu’elle a des mamelles.

Le deuxième pan de cette tapisserie montre l’accouchement de Latone de ses deux jumeaux, qui ne sont autres qu’Apollon et Diane. C’est assez rare de voir des scènes d’accouchement, donc je trouve ça intéressant de le signaler. Pour la petite histoire, Apollon tuera plus tard le dragon Python pour venger sa mère. Il deviendra ainsi le protecteur de l’oracle de la Pythie à Delphes. Quant à Diane, sa sœur, elle fait une référence appuyée à Diane de Poitiers, qui était la maitresse d’Henri II.

Ayez l’œil ! Vous retrouverez sur une autre tenture consacrée à Apollon un éléphant ou un griffon. Et vous apercevrez un autre dragon (ou peut-être une chimère) un peu plus loin, sur un vitrail cette fois.

Et les licornes, alors ? Je dis bien les licornes, car nous en avons croisé plusieurs ! Il y avait d’abord ce couple de licornes sur une fresque de céramique sur le thème de l’Arche de Noé. Une fresque trop mignonne, avec tous ses animaux, dont une petite chauve-souris qui vole dans un coin.

L’histoire de l’Arche de Noé est bien connue : Noé a le droit de sauver quelques couples d’animaux avant le déluge. Les critères ne sont pas très clairs, mais en tout cas il semble évident que les licornes n’étaient pas invitées, car sinon elles existeraient pour de vrai, n’est-ce-pas ? Pauvres licornes. Refoulées à l’entrée de l’Arche de Noé.

La licorne est en fait l’un des animaux fantastiques les plus représentés à l’époque. Nous la retrouvons plus tard dans la section des objets d’art, où elle orne le pied d’une superbe flûte à champagne.

Et c’est sûr qu’après avoir visité le château d’Ecouen, vous vous étonnerez en rentrant chez vous de l’absence d’ornementation de vos armoires, de vos plafonds et de vos fourchettes. Les meubles Ikea manquent cruellement de salamandres et de chimères.

Pause gourmande à la Table des rois

Si vous venez à Ecouen, prévoyez de rester la journée, comme ça vous pourrez déjeuner à la Table des rois, le restaurant du château. Là encore, ça a été une très bonne surprise.

D’abord, c’est quand même sympa de manger DANS le château – ou, en saison, sur la terrasse du château. Le cadre est vraiment superbe. Ensuite, l’accueil est très agréable. Le restaurant propose une carte de saison qui change chaque jour, avec un choix limité d’entrées et de plats, ce qui est un gage de fraicheur. C’est de la cuisine traditionnelle, simple et bonne, et il y a des options végétariennes. Tout cela à prix doux (16 euros le menu entrée-plat ou plat-dessert, 20 euros le menu entrée-plat-dessert).

Confinement mis à part, je ne vois plus vraiment ce qui vous retient d’aller à Ecouen ! Nous y avons passé une excellente journée et nous vous recommandons vraiment d’y faire un tour.

Et vous, quels endroits conseilleriez-vous pour croiser dragons et licornes ?

Pour découvrir plus de légendes aux quatre coins de l’Hexagone, suivez le hashtag #EnFranceAussi sur les réseaux sociaux.


22 réflexions sur “Légendes d’automne à Ecouen

  1. Bonjour les filles,
    Alors, tout d’abord merci de m’avoir fait découvrir le château d’Ecouen qui est tout de même juste à côté de chez moi et que je n’ai pas encore visité!! Et pourtant, cela fait des années que j’y pense, sans le faire.
    J’ai aussi appris grâce à vous qui était Montmorency, et pourtant dans le Val d’Oise Montmorency est partout dans les noms de villes ou de rues.
    J’ai trouvé aussi très étonnante cette tapisserie représentant un accouchement, je ne crois pas avoir déjà vu cela.
    Et puisqu’il y a une bonne table à découvrir dans le château, il faudra forcément qu’un jour je me bouge pour aller le visiter.

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    1. Oui on a pensé à toi, on s’est dit que ça ne devait pas être bien loin de chez toi ! Je pense que ça vous plairait, c’est vraiment joli et pas trop fréquenté. Une petite pépite à découvrir !

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  2. J’avais entendu parler de ce château, mais le Val d’Oise est toujours un peu loin depuis mon Essonne. Il faut que je prévois une journée, mais ça se fait, puiqu’en Août j’ai visiter La Roche Guyon, j’en ai profité pour aller chez des amis à Conflans. La tapisserie de 75 mètres, waouh, quel record ! Hum, les plats du restaurant sont très appétissants, miam ! 😀

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    1. C’est vrai que les distances sont grandes en Ile de France ! On a notamment choisi Ecouen parce que le Transilien part de gare du Nord, ce qui est pratique pour nous ! Il faut prévoir ça sur la journée. Souvent on est content de l’avoir fait !

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  3. Vous avez le chic pour voir les détails ! Je n’ai malheureusement pas cette patience. Il a l’air bien sympathique ce château d’Ecouen en tout cas. Avec en prime la petite balade dans la forêt aux couleurs d’automne.

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    1. Je ne sais pas si c’est une histoire de patience ou de caractère. Dans les films ou les peintures, j’adore regarder les arrière-plans – mais souvent je zappe des trucs hyper évidents ou importants !

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  4. Quel bestiaire fantastique ! J’adore les représentations du Moyen-Âge, avec leur esthétique… bien à elle (ce dragon !). Cette tapisserie me fait follement envie, je suis sûre qu’on pourrait y passer des mois et des mois à trouver des détails fascinants. Et merci pour la chauve-souris 🙂

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  5. Quel bel article ! Ça fait longtemps que je veux aller au château d’Ecouen, j’en avais vu quelques photos qui m’avaient bien plu. Du coup votre article me redonne vraiment envie d’y aller. Déjà les couleurs automnales sont tellement réconfortantes et puis j’adore ces détails dans les tapisseries, vestiges d’un autre temps. Je le note pour une prochaine fois 🙂 Bisous à vous deux

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  6. Superbe! La #TeamDragon (ici à la maison on kiffe plus les dragons que les licornes) vous remercie pour cette belle balade à Ecouen et par la même occasion un chouette bon dans le temps.

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