Dans notre premier article sur notre virée à Londres au Nouvel an, on vous a parlé des endroits gothiques et gourmands qu’on a visités. Mais pendant ce séjour on a aussi beaucoup flâné, la truffe au vent, pour humer l’ambiance de la ville. Il faut dire que Londres se prête tellement bien à la déambulation ! Voici quelques instantanés de ces balades impromptues dans un Londres nocturne, animal et surprenant, featuring Hercule Poirot et un certain barbier de Fleet Street…
Maitre Renard, par l’odeur alléché
C’était en rentrant du pub le premier soir. Il n’était pas très tard, disons 22 heures, et on faisait une balade dans les rues calmes autour de notre hébergement. Un quartier plutôt résidentiel avec des places où les façades de briques entourent des petits squares (J’adore la brique). Tout était calme en cette période de vacances, des décorations de Noël animaient des fenêtres fantomatiques. Nous étions presque rentrées, quand Hélène m’a pris le bras et m’a dit : « Regarde ! »
Il y avait un renard de l’autre côté de la rue.
C’est petit, un renard, je n’en avais jamais vu de ma vie. Plus petit que Ruby. Mince, avec une petite tête et un long panache en guise de queue. Il avait l’air réel, là, immobile en face de nous. Puis quand il a bougé, on aurait dit une apparition tellement sa cadence était légère et élégante. Il a filé sous notre nez en direction de la place où nous logions, trop vite pour l’appareil photo. Mais nous l’avons suivi, excitées et prudentes à la fois, de peur de le perdre. Nous avons fait le tour de la place, sans succès, en silence. Nous nous apprêtions à rentrer quand il est passé devant nous, joueur, et a dévalé un escalier qui menait vers la grande rue. Il avait l’air chez lui, il était chez lui, et nous étions ses visiteuses. Il nous asticotait comme un chat joue avec sa souris.
Nous avons descendu les escaliers et regardé derrière les voitures qui étaient garées là, guettant la moindre ombre. Il n’y était pas. Et puis c’est comme si je l’avais entendu rire au-dessus de nos têtes, se fichant de nous : il était monté par une échelle sur un mur et nous regardait, hilare. Il nous a jeté un dernier coup d’œil avant de remonter les escaliers et de poursuivre sa balade nocturne. C’était magique.
Grâce à un livre incroyable que nous avons découvert il y a quelques mois, nous savions qu’il y avait des renards à Londres (25 renards au km²). Mais nous ne nous attendions pas à en voir un de si près !
Nous avons été doublement chanceuses, car nous en avons vu un autre le lendemain matin près du cimetière de Highgate. Les chiens avaient dû commencer à arriver à Hampstead pour leur promenade dominicale. Le renard avait sans doute fait la fiesta et cherchait un endroit plus calme pour se reposer. Si j’étais un renard, je choisirais définitivement de dormir la journée dans le cimetière de Highgate, tapi au calme entre des voisins pas trop dérangeants. Il a traversé la rue devant nous et plongé dans le cimetière comme dans un océan de verdure.
Dans son livre « Dans la peau d’une bête », le vétérinaire anglais Charles Foster tente de devenir lui-même un animal sauvage. C’est un livre complètement fou, poétique et brillant qu’on vous recommande chaudement. Il y a tout un chapitre consacré aux renards de l’East End londonien, et c’est d’ailleurs autant un chapitre sur le renard que sur Londres.
« J’étais sur le point de ne plus rien attendre de Londres, mais les renards placent de tels espoirs dans la capitale anglaise et lui témoignent un tel attachement que cela m’a touché et fait réfléchir à deux fois. Je soupçonnais que si j’arrivais à être aussi proche de la ville qu’eux, je la verrai sous son vrai jour, et par conséquent apprendrais à l’aimer. »
Charles Foster
A Londres, on a beaucoup renardé : flairé des endroits au hasard en laissant volontiers les régals touristiques de premier choix aux autres visiteurs.
Camden horses
Après avoir visité le cimetière de Highgate et nous être baladées dans Hampstead Heath et ses environs, nous avions encore envie de marcher. Au final, nous sommes redescendues à pied jusqu’à notre hôtel vers Saint-Pancras, ce qui faisait une belle trotte. Le trajet passait par le fameux marché aux puces de Camden. Ça, c’est un lieu que j’ai soigneusement évité à chaque fois que je suis venue à Londres. Et pour cause : c’est absolument blindé de touristes. Mais j’ai été vraiment surprise par son architecture de briques (#passionbrique) et intriguée par les bas-reliefs et les statues de chevaux trônant au-dessus des stands de ponchos et de vestes de surplus militaire.
Je ne savais pas qu’une partie du marché, le Stables Market, abritait autrefois 400 à 800 chevaux. Comme Camden est situé au croisement d’un canal et d’une voie ferrée, les chevaux étaient utilisés pour tracter les barges, les wagons ou encore des marchandises. Les chevaux qui étaient blessés étaient d’ailleurs soignés dans un hôpital équin situé sur le site. Le dernier cheval à avoir travaillé à Camden a quitté les lieux en 1967. Les boutiques qui existent aujourd’hui sont donc installées dans les anciennes écuries. J’ai bien aimé ces évocations du passé des lieux et, finalement, je ne regrette pas d’être passée à Camden.
Le serment du volailler
Après notre visite à la Dickens House, nous sommes parties vers l’est et le Londres de verre qui est aujourd’hui la City. Autrefois, c’était le ventre populaire de la ville, comme en témoignent les nombreux bâtiments en briques (#passionbrique, le retour). Il faut dire que Dickens avait choisi l’emplacement de sa maison de manière stratégique : située dans le Londres des intellectuels et de la bourgeoisie de gauche, elle avait l’avantage de lui permettre d’aller à pied dans les quartiers populaires où il trouvait l’inspiration.
Nous avons longé par hasard le Smithfield Market, une impressionnante halle encore en activité consacrée à la vente de viande en gros. Nous sommes dans le quartier de Farringdon, à deux pas de Saint-Paul et de la City, et ça sent la barbaque à plein nez alors même que le marché est fermé à ce moment-là.
Une odeur âcre, rapidement écœurante, que l’on ne s’attend pas à trouver en plein centre-ville. Même si la sensation est désagréable, j’aime que Londres ait gardé ce côté industrieux.
Le site a été utilisé pour vendre de la viande depuis 800 ans et il fut un temps où l’on y faisait aussi des exécutions capitales. Les bâtiments actuels, qui ont été inaugurés en 1868, sont l’œuvre du City Architect Sir Horace Jones. Les édifices symétriques s’ouvrent sur de grandes verrières et les grilles de fer forgé sont ornées de volutes colorées.
Tout autour, des façades, dont certaines sont à l’abandon, témoignent de l’activité commerciale qui existe ou a existé dans ce quartier. Je n’ai jamais connu les Halles de Paris avant le centre commercial, mais j’imagine que ça devait beaucoup ressembler à ça.
Et nous y avons découvert cette plaque intrigante qui évoque un certain serment des volaillers… de quoi éveiller notre imagination !
Chercher Hercule Poirot à Florin Court
Pour moi le petit plus de Londres, c’est que la ville existe autant dans la réalité que dans mon imagination. J’ai vu et lu tellement de films et livres qui se passent là-bas que j’avais l’impression que nous marchions dans une espèce de rêve.
Un de mes pêchés mignon au niveau bouquin et séries télé, c’est Agatha Christie. Ma mère avait toute la collection éditée dans les années 80 avec les photos étranges sur la couverture et j’ai passé des après-midis entiers plongée dans les aventures de miss Marple. Paule-Elise peut en témoigner, elle me retrouve souvent regardant une énième rediffusion sur TV Breizh d’un Hercule Poirot avec ses reconstitutions désuètes des années 50 et ses péripéties absurdes. Les scénarios des épisodes abandonnent bizarrement toute la logique des romans.
Bref, tous les geeks poirotesques qui se respectent savent que le détective habite au 228 Whitehaven Mansion. Malheureusement, cette adresse n’existe pas. Pour reconstituer l’immeuble moderne et symétrique cher au détective belge, les producteurs de la série ont situé son domicile à Florin Court, un bel immeuble Art Déco des années 1930. C’est dans le quartier de Clerkenwell, toujours au nord de la City, qui recèle de belles surprises architecturales.
La Tamise by night
Comme la nuit tombait tôt, nous avons fini cette balade du 31 décembre sur les bords de la Tamise. Il y avait le Shard en face, Tower Bridge pas loin, on a juste marché et profité.
Une tourte à Fleet Street
Les fans (hardcore) de Tim Burton reconnaitront peut-être la référence à « Sweeney Todd ». C’est sans doute son film le plus sombre (mais avec des chansons) dans lequel un barbier quelque peu torturé tue des gens que sa voisine sert ensuite dans des tourtes. Sympa, non ? Le film est adapté d’un musical de Broadway, qui est lui-même inspiré de la légende londonienne du barbier de Fleet Street.
Donc, on avait envie de manger une tourte à Fleet Street.
Fleet Street est une artère du centre de Londres non loin de la City et de la Tamise. La rue plonge vers la cathédrale de Saint-Paul, dont le dôme massif s’élève au loin. Le soir du 31, il y a du trafic dans Fleet Street et les rues autour sont bouclées en prévision du feu d’artifice qui aura lieu le soir. C’est un peu le bordel. Outre l’histoire du barbier, c’est aussi dans cette rue que se trouve un pub mythique où de grands écrivains allaient s’en jeter un petit avant ou après le boulot. Fondé en 1538, le Ye Old Cheshire Cheese a ainsi vu passer Dickens (encore lui !), mais aussi Mark Twain, Conan Doyle ou Yeats. Il était en train de fermer quand nous sommes arrivées, mais on s’est dit qu’on repasserait une prochaine fois, car ça avait l’air tout mignon et typique.
Et le barbier, alors ? Dingues comme nous sommes, nous avions repérées à quel niveau de la rue son échoppe était censée se trouver. Audit numéro se tient aujourd’hui une église ! Mais juste à côté, il y a un pub installé dans un grand bâtiment néo-classique, The Old Bank of England. Comme son nom l’indique, c’était un bâtiment de la Bank of England jusqu’en 1975. C’est dans ses coffres au sous-sol que les bijoux de la Couronne auraient été mis à l’abri pendant la Première Guerre. Aujourd’hui, c’est un très beau pub et restaurant avec du velours rouge et des lustres qui claquent.
Lui aussi était en train de fermer, mais nous avons pu prendre une petite photo et surtout, nous avons trouvé cette plaque à l’intérieur qui raconte l’histoire du barbier et des tourtes. Victoire !
Avec tout ça, on a dépensé moins de 10 livres par personne en transports sur quatre jours ! Une belle prouesse vu le prix des transports londoniens. Un conseil à ce sujet : privilégiez le bus autant que possible. Chaque trajet coûte 1,50 £ quelle que soit la distance, alors que les tarifs du métro sont incompréhensibles et exorbitants (ils dépendent de votre trajet, mais aussi de l’heure à laquelle vous vous déplacez). Pour un trajet de 4 stations à l’heure de pointe, on a payé 2,40 £. Abusé.
Voilà pour ces balades londoniennes. On espère vous avoir montré un Londres un peu différent à travers nos deux articles. Peu importe que vous connaissiez déjà la ville ou que vous y alliez pour la première fois, vous serez toujours surpris !
belle déambulation! La marche à pied est le meilleur moyen de découvrir Londres!
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Merci beaucoup ! Oui, en marchant on remarque tellement plus de choses !
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J’adore cette ville, même si ça fait un bail que je n’y suis pas allée. Jamais eu l’honneur de croiser un renard Ce n’est pas faute d’avoir chercher mais c’est coquin ces petites choses.
Merci pour cette balade bien sympa.
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Merci à toi ! On a eu trop de chance pour les renards, c’était ouf! J’adore quand la nature s’invite en ville.
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Merci pour cette balade hors des sentiers battus à Londres ! J’avais entendu parler des renards à Londres, mais sans trop visualiser la situation n’en ayant pas vu lors de mes 2 séjours.
Le bâtiment où est censé habiter Hercule Poirot est très beau, ça donne des idées de photos d’architecture ! 🙂
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