Marseille, pour le meilleur et pour le pire

Je n’en reviens pas, parfois, de ma lenteur à écrire pour le blog. Cela fait presqu’un an que j’ai envie de vous parler de Marseille, depuis décembre dernier où nous y avons passé deux jours parfaits et un jour horrible. Marseille, terre de contrastes, c’est le moins qu’on puisse dire. Attention, ici il n’y a pas de débat : on aime Marseille, et on l’aime depuis longtemps. D’ailleurs, on y a été chacune plusieurs fois et on a toujours plaisir à y revenir. Voici pour commencer un petit florilège de nos précédentes incursions dans la cité phocéenne.

A Marseille, j’ai : fréquenté la bibliothèque de l’Alcazar régulièrement pendant l’année où j’étais inscrite en thèse. J’habitais alors à Avignon, où les bibliothèques universitaires n’étaient pas forcément les mieux fournies, et j’aimais l’ambiance de cette bibliothèque de Marseille qui fut autrefois une salle de spectacle.

A Marseille, Hélène a : découvert la ville un 14 Juillet, et elle s’est enfermée dans une voiture en attendant que les feux d’artifice et les pétards se calment. Mais elle s’est aussi promenée sur le marché près de la gare, un endroit souriant, lumineux où les habitués s’interpellaient d’un stand à l’autre avec bonne humeur. Elle parle encore de la pastilla achetée sur place avec une grande émotion.

A Marseille, j’ai : accompagné un groupe d’étudiantes japonaises qui étaient en séjour linguistique à Avignon. Avec elles, j’ai pris le petit train touristique pour monter à Notre-Dame-de-la-Garde alors que je ne prends jamais les petits trains touristiques. Ensuite nous sommes allées voir le château d’If et j’ai repensé à cet été que j’avais passé, adolescente, en compagnie du Comte de Monte-Cristo.

A Marseille, Hélène a : fait plusieurs déplacements professionnels, notamment au Mucem. Une fois, elle est arrivée tard et sa réservation d’hôtel avait disparu. Le lendemain matin, elle a assisté à un accrochage en voiture et à une dispute en pleine rue. De quoi être bien tendue… Mais quand elle est arrivée sur l’esplanade du musée, la mer s’est ouverte juste devant elle et c’était magique. Elle s’est assise devant l’immensité bleue, a écouté une chanson de Nick Drake et a goûté juste là un moment de sérénité inouïe.

A Marseille, j’ai : tenu la main de la mère qui était hospitalisée dans le quartier de la Joliette. J’ai fêté avec elle son dernier anniversaire – ses 50 ans – dans un petit restaurant du Vallon des Auffes où je me souviens avoir mangé en même temps des frites et des huitres.

A Marseille, Hélène a : fêté les 40 ans de son ami Dominique et ri à en pleurer quand il lui a raconté ses soirées tumultueuses autour du Vieux-Port.

A Marseille, j’ai : vu le téléphone de mon ex glisser lentement de la poche de son sac à dos, rebondir sur les rochers et tomber dans une calanque sans qu’on ait le temps de le rattraper. Le même jour, sa sœur a mis le pied sur un oursin. Le même jour, nous avons débarqué à quatre en tenue de plage au très chic restaurant Chez Fonfon, encore au Vallon des Auffes, pour manger une vraie bouillabaisse. Le maitre d’hôtel nous a toisés de haut en bas et installés sur une table à l’écart. Car qui croirait qu’un resto qui s’appelle Chez Fonfon est un resto chic ? (Une Parisienne, sûrement).

Cette alternance de magie et de loose, il n’y a qu’à Marseille qu’on la trouve. Et ces trois jours à Noël dernier n’ont pas fait exception.

La magie, d’abord.

La magie de sortir de la gare Saint-Charles par une journée d’hiver, une des plus courtes journées de l’année, et d’embrasser toute la ville parée d’une lumière ocre rasante. De descendre la Canebière jusqu’au Vieux-Port en même temps que le soleil se couche. De sentir avec plaisir que si la ville s’est embellie, elle ne s’est pas assagie.

Le premier soir, c’est assez naturellement que nous remontons vers le Cours Julien, en bravant les trottoirs jonchés d’ordures (les éboueurs sont en grève). Fin décembre, il y a du monde en terrasse, c’est super sympa. Pour nous, ça sera une délicieuse pizza chez Bella Pizza en face de l’église Notre-Dame du Mont, une adresse généreuse aux accents siciliens.

Le jardin de la colline Puget, au-dessus du Vieux-Port, devient notre morning routine pour la balade de Vita. Un petit parc avec des statues, de fausses cascades et une vue magnifique sur Marseille. A la balade du matin succède une grande balade de milieu de journée, un grand tour des classiques : le Vieux-Port, le Panier, l’esplanade du Mucem, dans l’air tiède et bleu de l’hiver méditerranéen. Cette lumière nous régénère complètement. Je montre à Hélène les îles du Frioul et lui demande si ça lui dit d’y aller le lendemain. C’est un grand oui, car de loin cet endroit a l’air bien inoffensif… mais n’anticipons pas. Je réclame un petit tour en ferry boat sur le Vieux-Port pour retourner à l’appartement.

Nous laissons Vita l’après-midi, et partons nous balader vers la Belle de Mai, cette grande friche artistique située le long des voies ferrées, et qui était autrefois l’une des plus importantes manufactures de tabac de France.

Sur le chemin, nous nous arrêtons à la Cantine de Nour, un restaurant égyptien qui est aussi un lieu associatif. Le cadre est vraiment charmant, avec une terrasse sur le toit (déjeuner en terrasse fin décembre, c’est la vie qu’on veut), et on y mange plein de mezzés, des plats du jour et des boissons maison. C’est très veggie friendly aussi.

Dès 1992, la Belle de Mai est devenue un genre de prototype de réhabilitation post-industrielle par la culture. Elle rassemble tout ce qu’on aime. L’ambiance m’a fait penser au 104 à Paris, avec ces flux qui se croisent entre les habitant•es du quartier, les usager.es des structures résidentes et les visiteur•ses.

En se baladant dans la friche, on entend les skates qui claquent sur les rails du skatepark et les enfants qui jouent dans une esplanade complètement ouverte et safe. En tant que touriste, on peut juste chiller au café et à la librairie. On peut aussi explorer les espaces de l’immense friche, admirer la vue depuis le toit terrasse. On peut voir des expos, aller au ciné.

En décembre dernier, il y avait une très belle exposition photo, « Mon ami n’est pas d’ici », qui traitait de la présence des personnes originaires d’Afrique subsaharienne dans les pays d’Afrique du Nord à travers le regard de huit jeunes photographes. C’était poignant et dur, mais vraiment intéressant et bien fait.

Alors que nous redescendons à pied vers le Vieux-Port, la ville vibre à l’heure de la finale de la Coupe arabe de la FIFA. C’est Algérie contre Tunisie, les deux drapeaux sont entremêlés sur les terrasses de tous les cafés où des télés ont été installées tant bien que mal. On entendra les pétards et les klaxons une bonne partie de la soirée, en hommage à la victoire 2-0 de l’Algérie.

Du lendemain, je veux garder surtout le souvenir de cette lumière, à nouveau, sur les rochers blancs de l’île du Frioul, et la vue depuis le bateau sur le soleil rouge qui se couche derrière le château d’If d’un côté et qui réchauffe toute la corniche de l’autre. Je veux garder le souvenir de cette sensation d’insolation au creux de l’hiver, de mes pieds qui touchent la mer, d’une calanque secrète, d’une balade avec mon aimée, de la joie d’un petit chien. Mais derrière les belles photos de couchers de soleil se cachent parfois des réalités inavouables…

La loose, ensuite

Tout a basculé la faute à un mauvais resto sur l’île du Frioul. Sur le bateau du retour, je me force à rester concentrée sur les couleurs du couchant et à ne pas penser à la nausée qui arrive. Je me dis que c’est à cause du bateau et de la température qui redescend. En fait, c’est une bonne intoxication alimentaire qui nous vaut une nuit digne des films américains où le couple passe un moment romantique dans un restaurant français et se bat ensuite toute la nuit pour accéder aux toilettes. Mais ça fait partie du voyage, non, une journée à manger des coquillettes par petites bouchées et à se recoucher, avec juste assez d’énergie pour faire quelques pas avec Vita dans la rue de temps en temps ?

Je vous recommande totalement d’aller à l’île du Frioul, mais je vous recommande totalement de ne pas manger au restaurant L’Atalante. Du fond de notre lit, ce jour-là, nous avons parcouru les commentaires de Google Maps, pour nous apercevoir que nous n’étions pas les premières à avoir eu une mauvaise expérience là-bas ! Le cadre de l’île du Frioul est tellement beau qu’on s’emballe vite, mais le mieux est de s’acheter un bon pique-nique à Marseille et d’éviter les restos à touristes. Rageuse, j’ai moi-même commis un commentaire bien senti sur Maps, et je reçois parfois des notifications me disant qu’il a été lu par plus de personnes que certains articles de ce blog. Cheh.

Le jour du départ, avant de prendre le train pour Toulon, encore fatiguées et ramollies par tout ça, nous avons quand même envie de nous balader jusqu’à la plage des Catalans. La mer est calme et la plage est petite, mais quel luxe d’avoir ça en pleine ville. La petite balade nous donne un aperçu du quartier d’Endoume, où l’on croise de bonnes boulangeries et de jolies librairies. Il faudra l’explorer davantage. Une prochaine fois. Il y aura forcément une prochaine fois à Marseille.

L’amour, toujours.

Quand on a fréquenté les bibliothèques et les hôpitaux d’une ville, quand on y a été heureuses et malades, stressées et repues, je crois qu’on commence à avoir une certaine intimité avec elle. C’est sûr, en tout cas, que Marseille fait partie de notre géographie intime. On y reviendra toujours, pour avoir le plaisir d’être malmenées et éblouies par elle.


6 réflexions sur “Marseille, pour le meilleur et pour le pire

  1. Un article sur Marseille, je ne pouvais pas passer à côté ! Moi aussi je suis tombée en amour de cette ville (avec un objectif secret d’y habiter plus tard). J’envisage même d’y retourner cette année !
    C’est vrai que les restos du Frioul font un peu pièges à touristes, pour notre part on était bien tombées.

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    1. Ah, contente de savoir qu’on peut manger sur l’île du Frioul et en sortir vivantes !! Je ne sais pas si j’aimerais habiter à Marseille, mais je comprends complètement l’attrait en tout cas. Je te souhaite d’y retourner bientôt.

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