Thessalonique mon amour

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L’un des avantages de mon boulot ce sont les convoiements, c’est-à-dire l’accompagnement des œuvres du musée de l’Armée vers des institutions qui les présentent dans leurs expositions temporaires. Ce sont souvent des voyages agréables mais qui peuvent parfois virer au cauchemar. Souvent on a le temps de faire du tourisme même si l’on est obnubilé par le montage de l’exposition. Un convoiement m’est tombé dessus abruptement fin septembre 2016. Destination Thessalonique. Tiens c’est amusant, ça sonne 14-18 non ? Effectivement, Salonique a été une base arrière pour les armées occidentales notamment pour soutenir le front serbe. Dis donc, c’est un post rêvé pour le blog ça.

J’ai honte de le dire mais je fais rarement des recherches sur les endroits où je pars même si celui-ci le mérite amplement. Paule-Elise est déjà plongée dans l’histoire du front d’Orient. Je me contente de survoler le Wikipédia. Les semaines précédentes ont été plutôt chargées et avant le plaisir il y a surtout le stress que tout se passe bien. Le jour J, un métro bloqué et la joie de devoir se repérer dans Roissy achève de me mettre sur les nerfs. Je ne suis pas dans un état optimal pour goûter les joies de la découverte de la ville. C’est toujours déroutant pour moi de prendre l’avion pour mon travail. Je vois une partie des passagers impatients de profiter de leurs vacances, les autres sont blasés et cramponnés à leur attaché-case, la tête dans leur job, et je me sens entre les deux. Le voyage se passe un peu comme dans un rêve. Beaucoup d’Asiatiques sont présents dans le vol Paris-Athènes. Ils sont remplacés par des popes dans le vol Athènes-Thessalonique. Aucune explication ou morale à cette constatation mais quand vous êtes très fatigué c’est le genre de chose qui vous laisse sacrément songeur.

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Après mon atterrissage, je découvre pour la première fois la ville en taxi. Passage rapide à mon hôtel, confort correct malgré un petit lit une place un peu dur (le sommeil sera austère ou ne sera pas), je m’aventure en ville. Etudiants en goguette, pub pour des cours d’allemand et des concerts, bon resto, le centre-ville est sympa. La seule chose remarquable c’est le nombre de magnifiques vestiges anciens autour desquels on a construit des immeubles modernes et devant lesquels les gens déambulent sans y attacher aucune importance. Ça me rappelle Naples. Lorsque vous baignez dans l’histoire et la beauté vous n’y faites plus attention.

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La journée du lendemain est principalement occupée par le montage de l’exposition. Bel espace, personnel compétent, commissaires sympathiques, le convoiement se passe comme sur des roulettes. Des missions comme ça, j’en veux à chaque fois. Je suis généralement contre les préjugés mais le rapport des Grecs avec la nourriture est ici comparable à ce qu’on voit dans les films. On me nourrit presque de force avec de nombreuses parts de tartes à la féta et moult verres de jus de cerise. C’est la première fois qu’on me gave pendant un convoiement mais franchement j’adore.

Comblée de calories et de gentillesse, j’ai encore quelques heures pour trouver des traces de la Première Guerre en ville. Je sens déjà que ça ne sera pas facile. Des églises byzantines en veux-tu en voilà, des palais antiques, des hommages à la Deuxième Guerre oui, mais le fantôme du front d’Orient se fait discret. Je me balade de part et d’autres, profite du front de mer, visite une église ancienne avant de tenter le tout pour le tout en entrant dans le cimetière près de l’hôtel. J’admire des reliquaires émouvants et des tombes au sens du décorum certain avant de tomber sur une stèle discrète dédiée à « The American Salonica Legion post 5 » et à ses morts des Première et Seconde Guerres mondiales.

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La fameuse stèle Legion 5

Le soir tombe sur mon maigre butin mais pour ne pas m’avouer vaincue je tente le petit resto serbe que j’avais repéré la veille. J’hésite car la devanture est un hommage au porc décliné sous toutes ses formes, mais à l’aide d’un serveur à l’anglais aussi chaotique que le mien, j’élabore un menu végétarien et roboratif : frites à la sauce au yaourt, aubergines gratinée à la féta, petits pains maison dont l’un est un petit gâteau frit que je garde comme petit déjeuner pour le lendemain. Malgré tout j’aurais rendu hommage à ma manière au front serbe.

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