Prologue : J’écris ces lignes en cachette car j’ai peur. Mais le public se doit de savoir la vérité. Qui est ailleurs. Forcément. Cette soirée de réveillon de Noël à Poznan n’était pas comme les autres. Elle a commencé à dégénérer quand Paule-Elise a dit : « Hé, vous savez qu’au Danemark, ils font leur repas de Noël avec de la bière et du schnaps. » Puis ce fut le drame, entre gorgée d’eau de feu et toasts incongrus, le repas s’est transformé en un maelström d’impressions hilares, fugaces et éthyliques. Ce qui s’est passé vraiment nul ne le sait….
Bon, la gastronomie polonaise, ça vous évoque quoi ? Pour moi c’était pommes de terre et trucs violets (betteraves, choux rouge), porc et hareng. En tant que végétariennes en voyage, on ne sait jamais vraiment comment ça va être une fois sur place, même si Antoine et Justine nous avaient rassurées et promis de longue date un menu de Noël végétarien, qui du coup a été le même pour tout le monde (ou comment faire manger végétarien dix personnes J ). Et bien tout le monde s’est régalé. C’était savoureux et festif (« festif »hum hum. Référez-vous au prologue si vous voyez ce que je veux dire). Parce que c’est fou ce qu’on peut faire avec des pommes de terre, du chou et des betteraves.
La tradition polonaise a aidé. Apparemment le repas de Noël est maigre, c’est-à-dire sans viande. Justine avait préparé pour commencer un « barszcz z uszkami » (un bortsch aux oreilles), une soupe très légère de betteraves dont on mange juste le bouillon avec de petits raviolis en forme d’oreillette farcis de champignons des bois, accompagnée de « paszteciki z kapustą i grzybami » (roulé au chou et champignons, pour ceux qui n’avaient pas compris). C’était plein de saveur et délicat, comme une balade entre forêt et champs. (Là encore ce lyrisme suspect indique clairement que le quatrième toast « A la Pologne » vient d’être porté).
Ensuite, un assortiment de « pierogi », ces grands raviolis pochés puis grillés que l’on trouve un peu partout. Nous en avions trois sortes : « ruskie » (fromage et pomme de terre), « z łososiem » (au saumon quand même pour nos amis carnistes) et « z kapustą i grzybami » (vous savez désormais que ça veut dire chou et champignons). Avec à côté de la salade « surówka z kapusty » (alors, alors ? Oui, salade de chou, bravo !) et des « ogórki kiszone », de délicieux cornichons marinés. Le tout arrosé de bière et de Wódka Żołądkowa Gorzka (ça, vous avez compris), une vodka traditionnelle très douce aromatisée au caramel. Ça glisse tout seul ! (Glisse tout seul signifie huitième toast à la sainte famille et à la sainte vodka).
Dit comme ça, ça fait beaucoup de chou, mais en jouant sur les saveurs piquantes, fermentées, aigres, les textures crues et cuites, ça n’était pas du coup monotone. Ça change de la Borat soup ! Et rassurez-vous, pas de chou dans les desserts. Au nombre de trois, ils étaient tout simplement à tomber par terre. Mon préféré : le « makowiec », un gâteau roulé au pavot et aux fruits secs, aux arômes subtils de macéré et de torréfié. J’adore le pavot, mais attention au sourire qui tue après en avoir mangé avec des grains coincés entre chaque dent ! On avait aussi un succulent « szarlotka » (gâteau aux pommes) et un « piernik » (pain d’épice avec des noix et des raisins secs). Dans la pâtisserie polonaise, la pâte est souvent fine et n’étouffe pas le fruit, il n’y pas de crème pâtissière qui alourdit, du coup on sent vraiment bien la garniture. (Là Paule Elise a très longtemps ri seule. Pourquoi nul ne le sait, une blague philosophique, une overdose de pavot ? Tout reste possible.)
Donc manger végétarien à Poznań : facile ! Que ce soit dans les restaurants traditionnels ou au restaurant vegan Porażka, on trouvera son bonheur. Je recommande particulièrement d’essayer les plats avec des champignons (soupes, pâtes…), qui sont super parfumés et goutus. Et les incontournables « pierogi ruskie ». Mais gardez une place pour le dessert ou le goûter, car les nombreux cafés vous tendent les bras avec des boissons et des pâtisseries bien gourmandes. Non loin de la très belle église paroissiale baroque, on nous a servi le thé accompagné de sirops aromatisés (au gingembre, aux herbes, aux fruits) et le cheesecake local était une vraie tuerie. Et heureusement que tout était fermé le 24 et le 25, sinon on aurait juste déambulé d’un café à l’autre, il y en a partout et ils ont l’air bien tentants.
Smacznego ! Bon appétit !
Un grand merci à Justine pour ses talents de cuisinière et de traductrice !
Un grand merci à la vodka pour sa chaleur et son dévouement !