Kyoto-sur-Meuse

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On n’a pas eu de chance pour la balade de Vent des Forêts, les chemins étaient trop boueux. Heureusement il y a aussi des œuvres pour les feignasses accessibles par la route. Je parcours la liste quand un titre fait tilt, Moss Garden, avec un nom d’artiste japonais.

Moss Garden, David Bowie : https://www.youtube.com/watch?v=2eTvCiMjJWc

Moss Garden ! Un merveilleux jardin de Kyoto que nous avons eu la chance de visiter il y a trois ans pendant des vacances au Japon. Et ce n’est pas n’importe quel jardin. On n’y arrive pas par hasard, il faut requérir une invitation en avance ; et le jour dit, attraper un premier bus puis un deuxième un peu au hasard et par chance être déposé au bon endroit à l’heure indiquée. Une fois là-bas on enlève ses chaussures pour enfiler des chaussons de cuir marron, on s’assoit ou on s’agenouille aux côtés de quelques dizaines d’autres visiteurs en écoutant la prière guidée par deux prêtres et ponctuée par le gong et la pluie avant d’écrire sur une planchette de bois son nom, son adresse et ses vœux, puis on fait la queue pour la déposer devant l’autel – elle sera brûlée par les officiants. Et enfin on peut pénétrer dans le jardin des mousses sous une pluie adoucie qui trouble la surface des étangs et on se remplit les pupilles du vert translucide des feuilles de petits érables, du vert opaque et absorbant des pins sombres, du vert riant en touffes malicieuses des mousses parfois bordées de blanc ou de jaune.

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            Retour dans la Meuse où ce clin d’œil inattendu nous dit qu’on a bien fait de venir. On s’arrête sur un bord de route avant le village de Nicey-sur-Aire. Je gare le van sur le bas-côté, il n’y a pas de parking, rien qu’un triangle vert qui indique que l’œuvre de Fujiko Nakaya est là quelque part. On suit un genre de chemin à travers un verger et de hautes fleurs des champs, coquelicots, violettes, des orties d’un mètre vingt, le chemin bifurque, ce n’est plus de l’écorce mais du gravier et nous y voici dans un méandre de rivière : à Kyoto. C’est simple, modeste – dans un sens positif et japonais. Des îlots de mousse et de roche sur une mer de gravier blanc. De grands arbres fournissant de l’ombre. Le clocher du village apparait dans une de ces trouées de branchage faussement fortuite qui ouvre la perspective. La courbe de l’eau claire donne de la fraicheur. Les mousses sont plus jaunes, plus sèches, les pins cernés d’orties, mais l’esprit est là, la rencontre de deux cultures par la coexistence de la végétation, une capsule de Japon qui s’intègre en harmonie à cette journée d’été lorrain. Et nous seules au monde buvant à toutes les sources, avalant tous les signes et les échos.

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       L’œuvre prévoit un dispositif de brouillard qu’on aurait bien aimé voir mais qui s’active à heure fixe. Une autre fois, qui sait ? Car on y a pris goût, aux Côtes-de-Meuse et à leur beauté calme et sauvage.