Le voyage, une histoire de famille

Aujourd’hui, j’ai envie de vous parler de quelques voyages que je n’ai pas faits moi-même, mais qui ont pourtant marqué durablement mon imaginaire. Je vais vous parler de celleux qui m’ont transmis la passion du voyage : mes parents, mes grands-parents et ma tante.

C’est une chance, d’avoir grandi dans une famille qui aime voyager. Une chance d’avoir entendu plein de récits de voyage de première main. Une chance d’avoir voyagé dès mon plus jeune âge et d’avoir partagé des moments privilégiés avec elles et eux.

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Ma grand-mère maternelle maitrisait déjà la pose de blogueuse.

Le van, la montagne, la Tunisie

Mes grands-parents maternels, basés à Nancy, aimaient le grand air (on dirait aujourd’hui : l’outdoor). Avec leurs six enfants, ils partaient souvent camper en montagne. J’ai entendu de nombreux récits de ma mère ou de mes tantes qui racontaient les départs dans la bétaillère (on dirait aujourd’hui : le van) où les enfants se serraient les uns contre les autres pour se réchauffer.

Ils passaient du temps dans les Vosges, au col de la Schlucht par exemple, ces coins où nous sommes passées il y a deux ans lors de notre roadtrip dans le Grand Est. Ma tante me raconte parfois que mon grand-père rêvait d’acheter une caravane et qu’elle aurait adoré en avoir une, elle aussi (elle a finalement préféré piloter des avions, ce qui est bien aussi).

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Dans les années 1950, on se prenait moins la tête avec la sécurité routière des enfants

Dans les années 1950, mon grand-père est muté en Tunisie, à Bizerte. Là encore, combien d’histoires entendues d’une enfance idyllique – dans un contexte historique qui l’est beaucoup moins. C’est vraiment étrange pour moi de réaliser que la toile de fond de ce bonheur idéalisé était en réalité violente. Dans ma famille, on ne prononce jamais le terme de colon. Je connais mal cette histoire et il faudra que je m’y penche, un jour.

Ma mère est née à Bizerte et d’ailleurs, la mère d’Hélène est née en Tunisie aussi à la même époque. Sa famille était à Sousse. Nous n’y sommes encore jamais allées ni l’une ni l’autre, mais nous y pensons souvent. Il faut mûrir encore, trouver le bon moment pour ce voyage qui sera forcément dense et épique.

Dans les albums photos de mes grands-parents, il n’y pas que la Tunisie. Ils partaient aussi en escapade tous les deux, dans les montagnes ou en Italie. Je ne sais pas vraiment à qui ils refourguaient les six enfants pendant ce temps-là, mais ma grand-mère a toujours l’air heureuse sur ces photos, un fichu dans les cheveux, riant au grand air. J’ai récupéré les archives photos de mon grand-père et il y a de vrais trésors là-dedans. J’en partage quelques uns avec vous, comme ces photos de la Tunisie dans les années 1950.

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La Tunisie dans les années 1950

Voyager sur les traces de : un atavisme familial

Avançons un peu dans le temps. Nous sommes maintenant dans les années 1980. Mon père, documentariste et réalisateur TV, avait déjà une vie bien remplie avant de rencontrer ma mère. Il avait beaucoup voyagé en Amérique latine dans les années 1970 pour faire des documentaires culturels (le genre de truc devant lequel on fait la sieste sur Arte le dimanche après-midi). Je ne l’ai pas connu assez longtemps pour ça, mais j’aurais aimé qu’il me raconte ses aventures.

Complètement fasciné par André Malraux, il a embarqué ma mère comme scripte et, avec un ami cameraman, ils ont suivi les traces de son héros en Asie pour tourner un documentaire à l’occasion des dix ans de sa mort. J’avais cinq ou six ans à l’époque et je m’en souviens bien. J’étais en vacances chez mes grands-parents, et je recevais des cartes postales de Thaïlande, de Singapour, d’Inde. Je cranais devant mes cousines. J’étais fière.

A leur retour, ma mère s’est mise à cuisiner frénétiquement du curry et ses photos de ce voyage ont envahi les murs de notre appartement parisien. Des anecdotes sont devenues des légendes familiales, comme cette fois où mon père a cru que la soupe était un rince-doigt à Hong Kong. Des noms se sont ancrés dans ma mémoire.

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Quelques-unes des cartes postales reçues pendant le voyage Malraux de mes parents en 1986

A dix-neuf ans, j’ai pris un billet d’avion et un sac à dos et je suis allée voir certains de ces endroits dont les noms et les images avaient bercé mon enfance. Le temple de Phanom Rung en Thaïlande, le Raffles Hotel à Singapour. J’ai mis mes pas dans ceux de mes parents, qui avaient mis les leurs dans ceux de Malraux. Comme quoi, ce n’est pas très étonnant que j’aime voyager « Sur les traces » de personnages illustres comme Hemingway ou Ella Maillart.

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Le Raffles Hotel à Singapour, où mes parents ont séjourné à l’époque (facile, quand c’est le boulot qui paie). Moi j’y suis passée en 2000 puis en 2015, mais juste pour prendre la photo.
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Le jeu des capitales fabriqué par ma mère avec des photos découpées dans des catalogues de voyage. Bonjour les clichés ! Mais j’adorais ce truc quand j’étais petite. Au milieu, sur la carte de la Guadeloupe, c’est moi et mon père en 1984. 

Plus tard, ma mère a commencé à voyager pour le travail. Comme elle travaillait dans un musée, elle accompagnait les œuvres dans d’autres musées, parfois au bout du monde. Elle est allée comme cela à Kyoto, en Australie, aux Etats-Unis, en Egypte ou au Brésil. A l’époque, elle nous envoyait des fax, parfois très longs, des lettres fantaisistes, des dessins, des petits mots d’amour. Nous étions adolescents, mon frère et moi, et nous nous gérions plutôt bien en son absence. Nous comprenions que c’était pour elle une soupape, un peu de temps qui lui appartenait dans un quotidien de mère célibataire (veuve, en l’occurrence), qui n’était pas évident.

L’esprit d’aventure

Au-delà de ces voyages particuliers, le plus important c’est l’esprit dans lequel on voyage, l’esprit d’aventure ! Une autre personne de ma famille qui m’a énormément influencée, c’est ma tante et marraine Brigitte, dont je vous parlais plus haut. Elle a été l’une des premières femmes pilotes de ligne en France. Ce n’est pas rien, avouez. Il faut imaginer que dans les années 1970 ou 1980, certaines personnes refusaient de monter dans l’avion quand ils voyaient qu’une femme était aux manettes.

Brigitte est un modèle, quelqu’un qui a repoussé les limites. Elle est évidemment une grande voyageuse et aussi une grande photographe depuis qu’elle est à la retraite. J’ai eu la chance de partager avec elle de superbes voyages en Jordanie ou en Inde. Avec elle, on voyage à cent à l’heure et on profite de chaque instant.

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Brigitte dans le désert du Wadi Rum en Jordanie

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Brigitte m’a emmenée à Varanasi (Inde) en 2012. Mes parents y étaient en 1986.

Assurer la relève

Quand on a autant de figures marquantes au-dessus de soi, on essaie d’abord de faire pareil. Mais au bout d’un moment, on s’aperçoit que le plus important est de tracer sa propre route. Je suis contente de ne pas avoir fait de blog sur mon voyage en Asie quand j’avais dix-neuf ans, par exemple. Mes journaux de voyage de l’époque ne font qu’enfoncer des portes ouvertes avec un lyrisme dont je rougis aujourd’hui. Cela m’a pris du temps de trouver ma voix et de voyager autrement.

Je remarque aussi aujourd’hui combien c’est non seulement une chance, mais aussi un privilège, d’avoir grandi dans cette culture du voyage. J’essaie de rester fidèle à la curiosité que mes proches m’ont inculquée tout en déconstruisant, petit à petit, ce regard du voyageur blanc pour qui le monde est un grand terrain de jeu. J’essaie surtout – ici en particulier – de rester fidèle au sens du storytelling qui caractérisait mes parents ! Mais c’est à vous d’en juger, bien sûr.

Et vous, comment vous est venu le goût du voyage ?


15 réflexions sur “Le voyage, une histoire de famille

  1. Oh j’aime tellement ce genre d’anecdotes ! Et ta grand-mère est parfaite sur cette photo. Ta famille a la grande classe. Est-ce que ton héritage te donne des ailes ou te cloue au sol, de peur de ne pas arriver à marcher sur leurs traces à tous ?

    Tu m’as fait rire avec les journaux de voyage de tes 19 ans ! J’ai retrouvé il y a peu mon premier blog de « voyage », celui de mon année d’études en Nouvelle-Zélande à 20 ans. J’espérais y trouver des passages mignons à partager… La désillusion ! Que de naïveté ! Rien à garder.

    (quant à savoir où j’ai attrapé le virus du voyage… j’essaie de trouver une réponse pour le WAT, la question est complexe, je n’ai pas une dynastie de voyageurs derrière moi, loin de là)

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    1. Merci Audrey pour ton commentaire. Ah, comment gérer cet héritage est LA question de ma vie… C’est une chance immense d’avoir grandi entourée de ces personnes inspirantes. En fait, j’ai souvent la sensation que je n’ai pas le choix, que je dois suivre leurs pas. La question c’est plutôt comment le faire ? Pour ça je tâtonne beaucoup. Ce qui est sûr c’est que ce blog fait partie de la réponse 😉

      Toi tu seras la première grande voyageuse de ta famille alors, c’est très cool ! Il y a des grands voyageurs qui viennent de ta région (enfin disons, du côté suisse), je pense à Nicolas Bouvier ou Ella Maillart…

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  2. Très sympa et même passionnant de lire tes confidences familiales.
    Je sais moi aussi que mon goût du voyage vient de mes parents. D’abord j’avais un grand-père qui était dans la marine,qui a bourlingué durant la guerre d’Indochine et que sais-je encore…
    Mon papa était un passionné de photos et bien souvent, cette passion se lie à celle des voyages. Mes parents sont partis en voyage de noce en Autriche en tandem, j’ai toujours entendu cette histoire dans la famille, tout le monde en parlait comme d’un phénomène, forcement ça donne des idées. Avant même le voyage, j’observais mon père le préparer et je voyais bien que déjà en le préparant il voyageait et s’évadait. Internet n’existait pas et lorsqu’il a préparé par exemple notre roadtrip aux USA en 1979/80, il a bien mis presque un an à tout prévoir 🙂
    Cependant, mon frère et moi avons eu la meme éducation, mais lui était casanier et n’avait pas le goût du voyage.
    Bon j’arrête là sinon je vais raconter ma vie sur votre blog 🙂
    Ah si,à propos de chien ! j’ai retrouvé il y a quelques semaines une photo originale : ma maman, moi et notre chien un cocker sur une gondole à Venise !! 🙂

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    1. Merci Sophie ! Dis donc, chez toi aussi on bourlinguait ! C’est vrai que c’était autre chose de préparer un voyage avant Internet, on oublie ça maintenant… Quant à la photo avec le cocker sur la gondole, je veux la voir !! Bises

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  3. Ah, qu’est ce que j’ai aimé cet article !!! Un régal… J’adore découvrir l’histoire des gens, surtout quand elle est haute en couleurs, en anecdotes et en vieilles photos tellement classe (ta grand-mère est canon ! la photo des gamins au col de la Schlucht est géniale). J’adore le jeu des capitales, c’est une super idée. Merci pour ce beau partage !

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  4. C’est super ces vieilles photos, j’adore!

    Pour ma part c’est plutôt le côté sédentaire de ma famille qui m’a donné envie d’aller voir en vrai ce que je voyais dans les livres et les reportages 🙂

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  5. C’est une belle histoire de famille que tu nous racontes. C’est sûr que ça doit être inspirant d’avoir toutes ces expériences de voyages autour de soi quand on est enfant.

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