Chroniques de la Soča

Ce roadtrip historique et littéraire sur les traces du roman L’Adieu aux armes d’Ernest Hemingway et du front italien de la Première Guerre mondiale nous a permis de découvrir une rivière magnifique en Slovénie : la Soča. Nous l’avons suivie pendant une semaine de Kobarid jusqu’à la mer Adriatique, où elle se jette près de Monfalcone en Italie.

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C’est une vallée extraordinaire, tout simplement. Une vallée dont Tolkien, un autre écrivain qui a combattu pendant la Première Guerre mondiale, aurait pu s’inspirer pour imaginer aussi bien la Comté que le Mordor.

La Comté : des villages propres et fleuris avec amour par leurs habitants, des collines verdoyantes, de l’eau riante et une cuisine aussi roborative que j’imagine celle des Hobbits.

Le Mordor : des à-pics de pierre qui enserrent le paysage, des parois d’altitude verticales et arides qui s’assombrissent quand le soir tombe et tous les fantômes des combattants de plein d’époques. Brrr…

Comme nous avons adoré cet endroit, voici quelques chroniques de la Soča, des moments anodins au rythme de cette belle rivière turquoise (ou émeraude, ou opale, bref avec des couleurs qui claquent).

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« La rivière était basse et il y avait des bancs de sable et de galets entre lesquels coulait un simple filet d’eau. Parfois l’eau s’étalait en nappe lumineuse sur un lit de cailloux. Tout contre la rive, je voyais des trous profonds où l’eau était bleue comme le ciel. »

Ernest Hemingway, L’Adieu aux armes

A l’eau !

Chaque jour, nous avons trouvé un endroit au bord de la Soča pour camper, se baigner, lire, rêver, manger, boire. Alors qu’il faisait plus de 30 degrés l’après-midi, la rivière nous a offert sa fraicheur, ses petites plages de galets qui restent calmes en plein été, une eau translucide, des bars et restos de plage sans chichis, des campings rustiques, bref tout ce qu’on aime et qui a fait de cette partie du voyage de vraies vacances. Même si Ruby a trouvé que l’eau, c’est très dangereux.

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Des ruines et des cascades

Non loin de Kobarid, nous avons remonté un sentier vers une cascade à travers une forêt où nous étions bien contentes de trouver de l’ombre. Il y avait un peu de monde sur le sentier, ce qui est normal, car la cascade était vraiment superbe. Elle se niche au creux d’une jolie gorge.

Sur le chemin, nous avons longé ici et là des ruines datant de la Première Guerre mondiale (abris creusés dans la roche, restes de tranchées et postes d’observation). Ces vestiges du front italien n’étaient presque pas signalés. Nous étions vraiment, en fait, sur des champs de bataille.

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Les historiens connaissent la Soča sous le nom d’Isonzo, son nom italien et surtout le nom de douze terribles batailles qui se sont déroulées ici entre 1915 et 1917. Tous les trois mois, des chefs ordonnaient aux hommes postés là d’attaquer l’ennemi de l’autre côté de la montagne. Qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il vente, et ce n’est pas qu’une expression.

Ces hommes ont passé des mois entiers dans des tranchées, dans des baraquements ou dans la neige. Mais quelle importance ? Les soldats italiens n’étaient que des soldats du sud du pays, dont certains n’étaient rattachés à l’Italie que depuis 50 ans. Les soldats austro-hongrois, eux, venaient des villages montagnards des Balkans.

Le front a stagné trois ans puis les Autrichiens ont appelé les Allemands à la rescousse et gagné à Caporetto (aujourd’hui Kobarid) en 1917.

Joyeux anniversaire !

Hélène est née le 29 juillet, une date bien pratique si l’on aime passer son anniversaire au camping (un peu moins si l’on a envie de faire un goûter d’anniversaire avec tous ses copains). Nous étions près de Kobarid à Kamp Koren, un grand camping au-dessus des gorges de la Soča, avec tous les ingrédients pour une journée parfaite : des douches et  une buvette avec la meilleure vue possible sur la rivière.

J’ai demandé à Hélène ce qu’elle voulait faire le soir, si elle voulait qu’on trouve un bon resto à Kobarid, un bar branché, une boite de nuit hype (tout à fait notre style ^^). Mais elle préférait la buvette du camping alors nous avons fêté son anniversaire là, au-dessus de la rivière, avec des chopes de bière slovène et le menu unique à 8 € pas du tout végétarien. Le bonheur, en fait.

La plus belle nuit

C’est dans cette vallée que nous avons trouvé le plus beau spot où nous ayons jamais dormi avec le van. Nous aurions bien dormi sur un joli parking tout au bord de la rivière, mais aux environs de Kobarid ils sont tous interdits de 23h à 8h. Tant pis…

On roule, on décide d’y aller au feeling. A quelques kilomètres, nous apercevons deux églises sur des promontoires. L’une d’elles est indiquée, alors on tente. La route devient de plus en plus étroite entre les champs, puis monte raide sur les derniers mètres.

Nous arrivons juste en-dessous de l’église, avec un panorama à 360 degrés sur la vallée de la Soča et les montagnes. La claque. Nous nous sentons toutes petites au cœur d’un paysage alpin, chaud et vibrant, gorgé de fleurs des champs et d’insectes, de feuillages traversés par le soleil de juillet, ça nous prend aux tripes. Insensible à tout cela, Ruby s’étale sur le bitume tiède.

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L’église est entourée d’un cimetière où les habitants passent visiter leurs morts en cette fin de dimanche. Ils laissent derrière eux des veilleuses rouges qui restent allumées en permanence. Autour du cimetière s’étendent des pâturages avec des moutons. La deuxième église est juste au-dessus de nous, on entend des cris de joie et de fête qui se répercutent dans la vallée.

Ce paysage devient franchement impressionnant le soir : les veilleuses allumées sur les tombes, la vallée qui devient grise, des cloches qui sonnent et, au loin sur les montagnes, une barre de nuages noirs traversés d’éclair… ça y est, c’est le Mordor ! Nous voilà maintenant comme deux petites Hobbites traquées par l’œil de Sauron. Ça prendra un peu de temps pour s’endormir…

Le lendemain, nous passerons la journée au même endroit, à lire sous les arbres en profitant de la vue et à chasser les insectes (enfin ça, c’était surtout Ruby). Nous imprégnant de l’atmosphère pure et mystérieuse de la somptueuse vallée de la Soča.

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« Quand je plongeais mes regards à travers les bois, j’apercevais, tout à fait en bas, étincelante de soleil, la rivière qui séparait les deux armées. Au nord, je vis les deux chaînes de montagnes. Elles étaient d’un vert sombre jusqu’à la limite des neiges, et d’une adorable blancheur sur les sommets ensoleillés. Puis j’apercevais une troisième chaîne de montagnes, une chaîne neigeuse plus haute que les autres. Elle était blanche comme de la craie, avec d’étranges surfaces planes et, derrière ces montagnes, il y en avait d’autres, si loin qu’on n’était pas bien sûr de les voir réellement. C’étaient des montagnes autrichiennes. »

Ernest Hemingway, L’Adieu aux armes

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Episode suivant du Hemingway Summer Tour : la Terrible Descente du Kolovrat (avec des frissons dedans).


14 réflexions sur “Chroniques de la Soča

    1. Merci Lili ! Tu connais peut-être, toi qui aimes les pays dits « de l’est » ? En tout cas c’est vraiment super et j’imagine que c’est une bonne destination avec les enfants aussi. Des bises !

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  1. Coucou ! Très bel article, nous envisageons justement d’aller en Slovénie cet été ! Belles photos en tout cas ! Je vois que vous êtes partis avec un chien, du coup plutôt « dog friendly », La Slovénie ? Ou pas ?

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    1. Merci ! Oui la Slovénie est très dog friendly. Ruby nous a suivies partout et on a été toujours bien accueillies, au resto ou au camping. Et puis comme c’est vraiment une destination de plein air, c’est parfait pour voyager avec son fidèle compagnon. On recommande vraiment cette destination, et pas que pour les chiens 😉

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  2. Au top cet article, ça donne envie d’aller découvrir la Soca! On y va cet été normalement, en espérant en profiter autant que vous 😉

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